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en ferme, sans clientèle déterminée, sans certitude de production journalière et qui ramassent le liquide qu’ils peuvent trouver. Ils paient à la fermière 3 cents par quart de gallon et le revendent de suite 8 cents à la consommation. Donc, l’écart très rémunérateur de 20 cents par gallon échappe ainsi au producteur, qui, faute d’aller en personne ou d’envoyer à la ville, se prive d’un bénéfice quotidien très important. Le gallon équivaut à quatre litres de notre mesure, et chaque vache fournit en moyenne de six à dix litres de fait par jour. Il faut reconnaître aussi, pour rester juste, que bien des exploitations rurales, par suite des grandes distances qui les séparent des marchés ou des cliens, sont contraintes de se cantonner dans la fabrication du beurre et du fromage.

La moyenne du beurre fabriqué aux États-Unis, de 806,682,071 livres en 1880, s’est élevée l’an dernier à 1,300,000,000 de livres : nous disons beurre fabriqué. Car nulle part nous n’avons rencontré, comme en Normandie ou au fond de la Bretagne, une laiterie organisée suivant les règles voulues d’aération, d’isolement et de calorique. Par suite, faute de savoir traiter le lait, faute d’installations propices, de soins élémentaires et répétés, comme faute aussi de propreté, le beurre américain reste-t-il très inférieur de qualité, de prix et de durée. Les conditions actuelles ne paraissent pas devoir se modifier de sitôt. Aussi, l’exportation demeure-t-elle minime et stationnaire : en 1888, elle n’atteint que le chiffre modeste de 1,884,908 dollars.

La fabrication du fromage apparaît plus prospère : elle réclame, il est vrai, moins de soins et de précautions. À cette dernière et même date, elle a représenté 400 millions de livres, dont une bonne partie a été livrée à l’étranger et a rapporté 8,736,304 dollars. Le gouvernement fédéral en encourage l’exportation, de même qu’il favorise l’importation des œufs, en sus du développement de la volaille dont le produit de 1888 a été porté à environ 200 millions de dollars : revenu énorme, qui tend encore à grossir, grâce à la dernière importation d’œufs, qui s’est faite en 1889, de 16 millions de douzaines au prix de 15 cents la douzaine. Sous l’impulsion du département de l’agriculture et de ses annexes excentriques, il faut constater qu’une amélioration considérable a été apportée, dans cette branche, aux procédés d’alimentation et d’élevage des volatiles. Disons toutefois que nos poulardes du Mans et nos poulets de grains sont encore loin d’être égalés par leurs similaires de Philadelphie. La science culinaire du Nouveau-Monde laisse encore fort à désirer pour les gourmets, en dépit même de la renommée de leur plat aussi favori que coûteux, la terrapine (petite tortue de