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pouvoir jeter beaucoup de monde à terre, à la fois, et opérer un débarquement de vive force.

À cette nouvelle, les troupes lurent mises en mouvement. Une partie marcha vers la côte et l’autre vers Salayeh.

Le quartier-général resta au Caire jusqu’à ce que des nouvelles positives permissent de mieux connaître les projets de l’ennemi.

Préalablement, tous les forts reçurent des garnisons, des munitions et des vivres. La nouvelle de l’apparition de la flotte était parvenue au Caire le 3 mars. Gênés par une mer très houleuse, les Anglais ne purent opérer leur débarquement que le 8 au matin. Le général Menou avait donc été favorisé par la fortune, car elle lui avait ménagé le temps de réunir ses forces. Bonaparte et Kléber lui avaient laissé de bons exemples à suivre, en lui montrant qu’il faut, en pareil cas, agir avec la plus grande résolution. Le débarquement devait avoir lieu, cette fois encore, à la presqu’île d’Aboukir.

Le général Friant, qui commandait à Alexandrie, et qui avait, le premier, donné l’alarme, ne disposait pas de plus de 1,500 hommes et ne put s’opposer au débarquement de l’avant-garde. 6,000 hommes, protégés par le feu de l’artillerie des vaisseaux, prirent terre presque en même temps. Le débarquement des hommes et du matériel continua les 9, 10 et 11 mars. Le 10 seulement, le général Friant reçut le secours de la division Lanusse, forte d’environ 2,000 hommes ; mais, à ce moment, l’ennemi disposait de 20,000 hommes.

Le général Menou ne quitta le Caire que quand il apprit que les généraux Friant et Lanusse avaient attaqué les Anglais, après leur débarquement, et qu’ils avaient été repoussés.

La plupart des militaires blâmaient hautement le général Menou de son indécision et de ses lenteurs. Il savait que, le 27 février, on avait saisi, dans la rade d’Aboukir, un canot portant des officiers anglais préparant le débarquement ; leurs papiers ne laissaient aucun doute sur le lieu choisi et l’époque prochaine de cette opération. J’étais au Caire et je fus témoin du peu d’empressement du général Menou à mettre l’armée en mouvement vers la côte, même après qu’il eut appris l’arrivée des Anglais. Pendant plusieurs jours, il ne s’occupa que de mettre ses papiers en liasses et de les classer lui-même. Ce fut par sa faute que les généraux Friant et Lanusse furent battus, après n’avoir pu profiter du moment favorable pour attaquer les Anglais. Le général Menou prouva à ses ennemis, qui l’avaient maintes fois accusé d’incapacité, qu’ils l’avaient bien jugé. Enfin, le général partit et l’armée fut réunie au village de Birket. La légion copte, à laquelle j’appartenais, formait, avec d’autres troupes, la garnison du Caire.