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d’El-Arisch, soixante navires turcs étaient déjà arrivés dans le port d’Alexandrie, pour recevoir l’armée française qu’ils devaient transporter en France. Les Turcs s’étant rendus coupables de la reprise des hostilités, la saisie de ces navires avait été considérée comme légitime. Beaucoup étaient arrivés chargés de denrées et de marchandises diverses, qui furent vendues au profit de la caisse de l’armée. Les contributions du Caire étant venues s’y ajouter, nos finances étaient prospères.

L’armée était certainement affaiblie par les grandes pertes qu’elle avait subies, mais jamais elle n’avait été plus belle. L’éloignement des ennemis nous permettait de nous occuper de notre instruction militaire.

La légion copte se formait au Caire, je prenais une grande part à son organisation, je devais résider au Caire.

Vers la fin de pluviôse an IX (février 1801), deux frégates, la Justice et l’Égyptienne, sorties de Toulon avec des munitions et 400 hommes de troupes, étaient entrées dans Alexandrie et avaient apporté la nouvelle que les Anglais, joints aux Turcs, préparaient, contre l’armée d’Orient, une expédition maritime formidable, qui devait être secondée par l’armée du grand-vizir, arrivant par le désert.

Le 2 mars 1801, la frégate la Régénérée arriva, à son tour, à Alexandrie. Elle était partie de Rochefort, avec une autre frégate, l’Africaine, dont on n’avait pas de nouvelles. Cette frégate annonçait que la paix était rétablie sur le continent, et qu’un traité avait été signé à Lunéville avec l’empereur d’Allemagne, le 9 février 1801 ; mais l’Angleterre n’en semblait que plus pressée de nous chasser de l’Égypte. Elle avait réuni, à Macri, 18,000 hommes, les uns Anglais, les autres Hessois, Suisses, Maltais, Napolitains, commandés par des officiers anglais.

À ces 18,000 Européens devaient se joindre 6,000 Albanais embarqués sur la flotte turque. La flotte anglaise était commandée par lord Keith, les troupes de débarquement, par le général sir Ralph Abercromby ; 6,000 cipayes, venant de l’Inde, devaient, disait-on, débarquer à Suez. On pensait que le grand-vizir pourrait se présenter devant Salayeh, avec environ 30,000 hommes. C’étaient donc 60,000 hommes, dont la moitié de bonnes troupes, qui allaient nous attaquer en Égypte, de trois côtés. Nous ne pouvions leur opposer plus de 15,000 combattans dont une partie n’étaient pas Français.

Le 1er mars, une armée navale considérable parut devant Alexandrie et fut mouiller sur la rade d’Aboukir. Elle était composée de 135 bâtimens de guerre ou de transport, anglais ou turcs. Cette flotte avait amené un très grand nombre de chaloupes, pour