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le plus promptement possible. A cet effet, les Anglais et les Turcs s’engageaient à réunir promptement, à Alexandrie et à Aboukir, les navires nécessaires pour transporter l’armée en France.

En conséquence, et pour l’exécution de ce traité, qui portait la date du 28 janvier 1800, nous évacuâmes, le 10 février, les places de Lesbeh et de Damiette. La 32e demi-brigade fut cantonnée à Menouf, dans le delta.

Le 8 mars, nous reçûmes l’ordre de nous rendre immédiatement au Caire ; le traité d’El-Arisch ne pouvait recevoir son exécution. L’amiral Keith, commandant la flotte anglaise de la Méditerranée, avait fait prévenir le général Kléber que son gouvernement ne voulait pas reconnaître la convention d’El-Arisch et qu’il exigeait que l’armée tout entière fût déclarée prisonnière, que ceux qui la composaient ne seraient embarqués qu’après échange, etc.

L’objection des Anglais était fondée sur ce que, quoique Sydney-Smith eût présidé aux négociations, il n’avait pas signé la convention, qui ne relatait comme contractans que les représentans de la Porte et de l’armée française. Ainsi, ou Sydney-Smith avait outrepassé ses pouvoirs, ou il était désavoué par son gouvernement. Il en fut très confus et se hâta d’exprimer ses vifs regrets à Kléber.

En tout cas, nous étions les victimes de cette mauvaise foi, car les places de Katieh, Salayeh, Belbeïs, Damiette et le fort de Lesbeh étaient déjà entre les mains des Turcs. On se préparait à leur remettre la citadelle du Caire ; heureusement, elle ne leur avait pas encore été livrée.

Aussitôt, ordre avait été donné aux troupes, qui étaient en route pour Alexandrie avec les parcs, les administrations et les bagages, de revenir au Caire et de réarmer la citadelle ; on s’en occupait à notre arrivée. La division Desaix avait remis la Haute-Egypte aux Turcs et se repliait aussi vers le Caire. Son chef, après avoir négocié la convention, profitait, ainsi que le général Davout, pour revenir en France, de passeports qu’ils avaient obtenus des Anglais.

Nous étions en danger certainement ; mais, quelques jours plus tard, nous eussions été déshonorés ou perdus.

Le 19 mars, le général Kléber annonça, dans un ordre à l’armée, la perfidie des Anglais. Il transcrivait, dans cet ordre, la lettre de lord Keith et terminait ainsi :

« Soldats, on ne répond à de pareilles insolences que par des victoires. Préparez-vous à combattre. »


Bataille d’Héliopolis.

L’armée turque s’était avancée jusqu’au village de El-Matarieh,