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son collègue au département de l’intérieur, le secrétaire John W. Noble. D’aspect athlétique, d’abord débonnaire quoique brusque, sous sa rude écorce M. Rusk est nu caractère : ce n’est ni un Yankee, ni un politicien. Il a apporté dans son nouveau poste toute l’expérience agricole, acquise en sa jeunesse rurale : il s’est consacré tout entier à sa nouvelle tâche. On lui prête une réelle valeur : certains même lui assignent dans l’avenir la future succession présidentielle de son heureux concurrent, M. Harrison. C’est dans ce pays que tout arrive. Il est pourtant bon de constater qu’en ces derniers temps les démocrates ont regagné beaucoup de terrain, lors des élections municipales. Les énormes scandales administratifs, judiciaires et autres qui viennent d’éclater à New-York[1] ont moins d’influence sur les électeurs, que le programme ultra-protectionniste du parti républicain, bien fait pour irriter les classes agricoles, et se les aliéner.

Le ministère de l’agriculture est de nouvelle création, avons-nous dit : en effet, il date de dix-huit mois seulement. Simple branche administrative pendant près de cinquante années, son origine fut des plus modestes. Au début, la réglementation de la terre, de sa culture et de ses produits ne relevait que du caprice des « farmers. » et des immigrans, nouveaux ou changeans propriétaires du sol, vaste tribu cosmopolite et nomade, armée de la hache du pionnier et du rifle du conquérant, toujours prête à courir aux horizons inconnus qui s’entr’ouvraient au fur et à mesure que les Indiens reculaient. Les congrès et la population fixe étaient dévorés surtout de la fièvre de l’industrie. Dans l’administration encore rudimentaire de la Maison-Blanche, tout ce qui touchait à la colonisation était relégué à l’étroit dans le bureau des brevets et patentes. Ce fut à cette époque de confusion que M. Ellsworth, placé à la tête de cette dernière direction, économiste distingué, eut l’idée de doter son pays de cultures nouvelles dont il avait étudié les propriétés. Dans un dessein philanthropique et de ses propres deniers, il fit acquisition à l’étranger de graines qu’il avait jugées être aptes au terroir. Sur son premier rapport, attestant le succès de cette expérience, le congrès se décida à voter un subside de 1,000 dollars pour achat de nouvelles graines à distribuer gratuitement aux colons. L’initiative nationale venait ainsi de se substituer officiellement à l’initiative particulière : l’organisation agricole allait en sortir à bref délai. En effet, ce faible noyau se développa rapidement. Dès 1849, parut un premier rapport sur l’agriculture,

  1. Le maire, comme ancien shérif, et le shérif actuel de New-York, tous deux démocrates, sont condamnés ou poursuivis pour faux et extorsions.