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infatigable et un sang-froid parfait, une intelligence prompte et un jugement sûr.

Que la vitesse, d’ailleurs, soit nécessaire aux navires qui composeront notre division légère, cela n’est pas douteux, et cette nécessité ressort des principes mêmes que nous posions plus haut ; mais aussi, dans cette position aventurée, loin de tout secours, quelles machines robustes ne leur faudra-t-il pas ? Tranchons le mot, quelles machines impeccables !

Mais revenons au gros de notre armée navale, qui, rapidement complétée par les navires tenus en réserve, appareille et prend son ordre de marche.

Qu’est-ce donc que cet ordre de marche que l’on oppose toujours à l’ordre de combat ?

Pour une armée à terre, obligée de cheminer sur des routes tracées d’avance, dans des défilés étroits par conséquent, c’est l’ordre qui lui permet à la fois de progresser rapidement, avec régularité, avec cohésion, et de concentrer tous ses combattans à la hauteur de ses têtes de colonne en moins d’une journée.

Il est clair que la profondeur de cet ordre de marche, pour un effectif donné, dépend tout d’abord d’une condition qu’il n’est pas au pouvoir du commandant en chef de modifier, c’est-à-dire du nombre des voies dont il peut disposer pour atteindre son objectif.

Sur mer il n’en est pas ainsi : là, tout est chemin ; et, sauf certains accidens géographiques ou hydrographiques dont l’influence est passagère, il semble que rien ne puisse contraindre une armée navale à adopter un ordre de marche en profondeur, en tout cas un ordre de marche différent de l’ordre de combat.

Pourquoi donc, dès la sortie des passes qui débouchent sur la haute mer, une armée navale ne se range-t-elle pas, en effet, comme si elle allait rencontrer l’ennemi ?

Répondre à cette question ne serait pas facile si nous ne remontions à l’origine de « l’ordre. » Aussi bien cette étude, que nous nous efforcerons d’abréger, nous serait-elle indispensable plus tard pour apprécier la valeur des différens ordres de combat ; nous pouvons donc l’entreprendre de provision.

Lorsque, en temps de paix, un certain nombre de navires obéissant au même chef prennent la mer et font route pour la même destination, il est certain que le seul lien naturel et essentiel entre toutes ces volontés particulières est l’identité du but à atteindre, du point d’arrivée.

Le seul lien naturel, disons-nous, car, remontant à l’origine de l’ordre, nous faisons momentanément abstraction des liens