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spécial, personnel même, car, on le sait, rapide est l’usure des forces humaines sur ces petits navires.

Ces magasins, ces ateliers flottans sont toujours disposés pour porter sur leur pont quatre ou six torpilleurs minuscules, les microbes d’autrefois, à qui l’on épargne ainsi les dangers de la haute mer et que l’on débarque sur la côte, dans une rade, à l’entrée d’un port où l’ennemi se tient renfermé, confiant dans la difficulté de l’attaque.

Il y a plus de dix ans, le vapeur russe Constantin, lançant à Batoum ses quatre torpilleurs vedettes sur une division de navires turcs, nous fournissait un modèle excellent de ce genre d’opérations. — L’exemple est bon à suivre, et qu’attendons-nous pour nous y décider ?

Supposons donc notre escadre type pourvue d’un transport torpilleur capable de suivre de près les éclaireurs, capable aussi de se défendre contre ceux de l’ennemi. — Il nous reste à assurer un service auquel on ne songe peut-être pas assez et dont l’étroite liaison des opérations maritimes avec l’ensemble des événemens de guerre fera de plus en plus sentir l’impérieuse nécessité : je veux parler du service de la correspondance et des communications.

En 1870 déjà, le ministre de la marine, pressé peut-être par l’inquiétude du chef de l’Etat, ne cessait de se plaindre aux commandans en chef des escadres de la Baltique et de la mer du Nord de la rareté de leurs nouvelles, et l’on avait fini par créer une sorte de service postal entre ces forces navales et Dunkerque. Cela nous était facile alors : nous étions maîtres de la mer.

Pour satisfaire à la même nécessité, il faudrait aujourd’hui plus de précautions, au moins des navires plus rapides et sommairement armés ; nous trouverions là un judicieux emploi des paquebots que l’école nouvelle veut convertir en croiseurs auxiliaires. Les plus rapides de ces paquebots devraient être employés à créer cette « ligne de communications » dont nous parlions dans l’étude de la stratégie navale.

Service postal, d’abord, mais pas seulement cela : renforts de personnel, gargousses et projectiles, viandes sur pied, cuivre, fers, tôles d’acier préparées, clous et vis, outils de toute sorte dont on fait à la guerre une si grande consommation et que nos escadres ont toujours été obligées d’acheter en pays neutre, en Danemark, en Norvège, à Hong-Kong, à Yokohama, tout enfin arriverait par ces grands vapeurs à notre armée navale, en pleine opération à la vérité, mais qui chargerait un de ses éclaireurs d’avertir le paquebot de service des parages où il la devrait chercher.