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accoster sans dommage un paquebot et rester attachés au flanc le moins exposé au choc des lames. — Un tuyau en cuir ou une manche en toile épaisse et quelques coups de pompe suffisent pour l’eau, si l’on ne peut réaliser l’idéal du siphon ; pour le charbon, des mannes d’osier et des sacs sont rapidement « affalés » sur le pont du petit navire. En coûterait-il davantage de lui fournir des torpilles automobiles réglées et pourvues de leur provision d’air comprimé ?

Non, sans doute, mais ceci suppose déjà que notre paquebot a reçu un outillage particulier, des machines à comprimer l’air, des soutes à fulmi-coton, sans parler d’un personnel torpilleur que, seul, l’État peut fournir. — À ce compte, n’est-il pas plus simple d’employer à ce service un transport de la marine de guerre ? — C’est, en effet, la conclusion où sont arrivées la plupart des puissances étrangères.

Au reste, mêler des navires de commerce aux opérations actives d’une escadre entraîne des inconvéniens de plus d’un genre auxquels les officiers de la marine de guerre sont en général assez sensibles. — Sans y insister davantage, nous rappellerons que lorsque, au siècle dernier, on imagina de militariser l’industrie des transports aux armées, l’applaudissement fut unanime ; certes, bien malavisé paraîtrait aujourd’hui le réformateur qui supprimerait le train des équipages et qui mettrait en adjudication les services à l’arrière de nos années.

C’est assez que pour les transports de troupes, comme nous le dirons en son lieu, nous soyons obligés de recourir aux compagnies de navigation commerciale : encore prendrons-nous nos précautions.

Ainsi notre armée navale aura, ou plutôt devrait avoir, car il nous est bien difficile d’oublier que c’est, au fond, d’une flotte française qu’il s’agit, un grand transport de l’État construit et aménagé tout exprès pour jouer ce rôle de ravi tailleur des bâtimens légers ; rôle que nous avons fait remplir jusqu’ici, faute de mieux, soit par un navire de combat qui avait autre chose à faire, et le témoignait, soit par un transport ordinaire, à vitesse moyenne, fort empêché de suivre les torpilleurs partout où les entraînait l’exécution des ordres du commandant en chef.

Plus avisés, plus prévoyans que nous, les Anglais, les Italiens, les Allemands n’ont pas admis que l’on put se passer dans une guerre sérieuse d’un transport torpilleur, et ils ont actuellement en service ou en chantier de grands navires rapides abondamment pourvus de tout ce qui est nécessaire aux torpilleurs de toutes classes : charbon, eau douce, torpilles automobiles, outillage