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courant ; si, par temps maniable et sans compromettre leurs appareils mécaniques, les torpilleurs poussent jusqu’à 18 et 19 nœuds, le commandant en chef n’aura certainement qu’à se louer des services de son escadre légère.

Voilà donc, bien constituée, la partie active de l’armée : 12 cuirassés, 24 éclaireurs, tels sont les combattans.

Voyons maintenant les « services à l’arrière, » le parc, le train, les convois.

Les flottes d’autrefois, disions-nous dans une précédente étude, étaient à elles-mêmes leur propre convoi ; mais elles n’avaient pas à se préoccuper du moteur, que leur dispensait généreusement la nature. Aujourd’hui, au contraire, chaque unité de combat est obligée d’emmagasiner dans ses flancs, sous la forme encombrante du charbon, une certaine quantité d’énergie, qu’elle dépense peu à peu pour se mouvoir. Si nos escadres sont plus rapides, — pour de courtes traversées, — et plus indépendantes du caprice des vents, elles sont cependant beaucoup moins autonomes que leurs devancières, puisque, leur provision de charbon épuisée, elles sont obligées de relâcher pour refaire le plein de leurs soutes, de s’arrêter pendant deux jours, trois jours peut-être, au grand détriment de leurs opérations, dont cette interruption compromet singulièrement le succès. Heureuses si, sur leur route, elles trouvent des dépôts considérables de charbon, où il leur soit permis de puiser sans scrupule, car les neutres ne doivent leur fournir que la quantité de houille strictement nécessaire pour regagner le port de leur nation le plus voisin.

À ce grave inconvénient, dira-t-on, on peut aisément trouver remède : faisons suivre notre escadre de quelques vapeurs chargés exclusivement de charbon et des matières grasses indispensables au bon fonctionnement des machines ; ces navires viendront se placer successivement le long des bâtimens de combat et leur feront passer le combustible et les caisses d’huile nécessaires.

L’expédient est simple, en effet, ou du moins il le paraît ; mais il supporte difficilement un examen sérieux. Nous ne pouvons compter moins de 15,000 tonnes de charbon pour réapprovisionner une force navale comme celle que nous mettons en jeu ; les vapeurs charbonniers n’en portent pas plus de 1,000 à 1,500 : il en faudrait donc 12. C’est une véritable flotte marchande à convoyer, et qui paralyserait d’autant mieux les mouvemens de notre escadre que la vitesse imprimée à ces navires par leurs machines, très simples et très économiques, ne dépasse pas 10 nœuds en service courant. — Gréerons-nous, pour satisfaire aux diverses données de