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représentans de la religion odinique, qui fut celle de tous les Germains et qui devait donner, en Neustrie, son dernier assaut au christianisme et à la France naissante.

La religion d’Odin semble avoir été créée par un Scandinave, qui aurait été initié à la religion de Zoroastre et qui l’aurait appliquée aux mœurs et aux passions d’un peuple barbare, en haine de l’empire romain, et pour préparer ce peuple à une immense invasion. Tous ces Vikings prétendaient descendre du fameux Odin Frighe qui était sorti à une date inconnue, — probablement après la mort de Mithridate, — de la ville d’Asgard située sur le bas Volga, avec le peuple des Ases. Ce roi avait conquis les pays limitrophes de la Baltique, fondé Odensee en Fionie et Siegtuna, la ville de la victoire, en Suède. Cet Odin Frighe, plus tard divinisé par les Scaldes et identifié avec le Dieu suprême, Wôdan, fut évidemment l’organisateur primitif de la religion Scandinave et germanique. Religion de pirates héroïques, de guerre et de conquête, mettant la divinité de l’homme dans ses instincts les plus farouches, courage sans peur, désir sans limite, liberté sans frein. Religion d’hommes fiers et orgueilleux qui ne voulaient se plier devant rien. Odin ne reçoit dans le Walhall que les guerriers morts sur le champ de bataille. Quand on lui demande pourquoi il attend Erik avec plus d’impatience que les autres guerriers, il répond : « Parce que dans des contrées diverses il a rougi son glaive et brandi son épée sanglante. » Le scalde OEvind fait parler ainsi le Dieu. Le souffle d’audace, l’indépendance fougueuse qui anime cette mythologie lui prête une grandeur sauvage. Mais il lui manque l’élévation morale et tout principe d’universalité. Une telle religion ne peut enfanter que la guerre de tous contre tous. Le roi guerrier et pontife qui l’inventa était un homme de génie. Car il avait compris l’esprit et la destinée de sa race. Mais il semble aussi avoir compris l’insuffisance de son principe par l’idée qu’il se fait de la fin du monde. Dans la religion de Zoroastre, qui servit de modèle à la religion odinique, le bien finit par triompher du mal. Dans celle d’Odin, c’est le mal qui finit par avoir raison du bien, et l’univers s’effondre dans un effroyable cataclysme, où les dieux mêmes sont engloutis. Sombre prédiction de la Saga qui domine les cris de joie des Vikings, triste lendemain de toutes leurs victoires.

En l’an 841, les bénédictins du Mont-Saint-Michel virent arriver une flottille de Normands. Les pirates abordèrent pour voir si ce rocher pourrait leur servir de retraite. Ils entrèrent en conversation avec les religieux, au moyen d’un interprète saxon qu’ils traînaient avec eux et qui savait à peu près toutes les langues du continent. — Pourquoi habitez-vous ici ? demandèrent les