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d’eux tranchait, comme le blanc sur le noir, le parti de la théocratie démocratique et du puritanisme religieux, ennemi de l’État laïque, des précautions militaires, ne voulant entendre parler que d’améliorations sociales et religieuses.

Dans un an, disent-ils, la ville sera détruite ; elle deviendra le refuge des bêtes jusqu’à ce qu’un esprit d’en haut soit répandu et que tout soit transformé. Le désert alors fleurira ; la paix universelle régnera au sein d’une prospérité sans mélange. Ce sera le fruit de la justice, fruit elle-même de l’attention que l’on prêtera aux discours des prophètes inspirés par Iahvé.

Les femmes, à ce qu’il semble, étaient du parti des politiques plutôt que de celui des prophètes. Isaïe les regarde en général comme des ennemies de la réforme et est pour elles très sévère. Dans une de ses pièces les plus violentes, il apostrophe les insoucieuses, qui, préoccupées de leur parure, ne veulent pas croire aux malheurs luturs. C’étaient probablement les dames de la famille royale que le rude prophète visait. Les femmes de l’entourage d’Ézéchias étaient, en eifet, très peu favorables aux doctrines austères des réformés. Il est rare qu’on serve à la fois plusieurs causes, même bonnes. L’homme de foi est toujours un danger politique ; car il met sa foi avant l’intérêt de la patrie. Le parti des prophètes l’a emporté dans l’histoire. Ils étaient pour la soumission à l’Assyrie, et, vu l’impossibilité de vaincre une si forte puissance, on ne peut pas dire qu’ils eussent tort. Si Sebna n’eut pas été contre-balancé par Isaïe, il est probable que Jérusalem aurait eu, sous Ézéchias, le même sort que Samarie sous Dosée. Mais le métier de décourageur est triste ; il faut être bien sûr d’avoir les paroles de Iahvé pour se croire obligé de dire à un peuple vaincu : « Soumettez-vous ; ne faites rien pour la revanche ; vous seriez infailliblement battus. »

C’est là pourtant l’idée qui remplit les manifestes d’Isaïe vers le temps où nous sommes[1]. Toutes les ressources de ce talent virulent et populaire sont employées à déclamer contre la diplomatie et les préparatifs militaires, contre l’alliance égyptienne surtout. Cette alliance a été conclue sans consulter la bouche de Iahvé. Iahvé n’en veut pas. Tout ce voyage de cadeaux à travers l’Arabie Pétrée finira par des désastres.

Malheur à ceux qui descendent en Égypte pour y chercher de l’aide, qui s’appuient sur des chevaux, qui mettent leur confiance dans le

  1. Isaïe, ch, XXX, XXXI, XXXII.