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et multiples ? Évidemment la France n’aurait aucun avantage à se mettre en hostilité avec l’Angleterre dans l’Afrique orientale, à s’armer d’un vieux traité, même d’un droit précis, dans une situation nouvelle. Elle n’a ni jalousie ni acrimonie à l’égard de la nation anglaise et de son gouvernement ; mais si elle se prête à l’établissement du protectorat britannique à Zanzibar, il est tout simple qu’elle trouve des compensations là où elle a des intérêts, puisque tout se traite et finit aujourd’hui par des compensations. Les dédommagemens, où peut-elle les trouver ? Sera-ce dans une définition plus avantageuse des conditions du commerce international un Tunisie, — à Madagascar, dans les territoires qui ne sont que le prolongement de l’Algérie française à l’intérieur de l’Afrique ? C’est l’affaire des gouvernemens et de la négociation qui est engagée. Pour qu’un accord devînt impossible, il faudrait que le traité anglo-allemand cachât d’autres vues, d’autres combinaisons, et c’est ce que les Anglais eux-mêmes désavouent. M. le ministre des affaires étrangères répondant, il y a quelques jours, à une allusion, justement au sujet de Zanzibar, s’est exprimé pour sa part avec autant de netteté que de mesure, sans rien livrer, sans rien compromettre, sans laisser croire qu’il y ait autre chose que de la courtoisie dans la négociation dont il est chargé. C’est le seul moyen de résoudre avec dignité et avec profit les questions les plus délicates entre deux puissances qui peuvent être divisées quelquefois, mais dont l’entente reste après tout une des garanties les plus sérieuses de l’équilibre universel.

La paix de l’Europe, quels que soient les vœux des peuples et les intentions des gouvernemens, est chose si fragile et si incertaine qu’on ne sait jamais bien ce que peut produire le plus simple incident éclatant à l’improviste dans un coin de l’orient ou de l’occident. Que sortira-t-il définitivement de cet éternel et obscur imbroglio des Balkans ? Voici des années déjà que ces affaires ont le privilège de susciter des polémiques toujours nouvelles et d’occuper ou d’importuner les chancelleries. Ce n’est point sans doute qu’on s’intéresse démesurément à ce qui se passe à Belgrade ou à Sofia, aux fantaisies du roi Milan ou aux aventures du prince Ferdinand ; mais enfin on sent que ces questions qui s’agitent au loin, sur de petits théâtres, peuvent toujours prendre de l’importance par les intérêts qu’elles mettent en jeu et les antagonismes qu’elles réveillent, par les conflits qu’elles risquent de provoquer entre toutes les politiques. Depuis quelque temps, il est certain que les affaires bulgares particulièrement n’ont rien de trop rassurant, que le gouvernement de la principauté semble ne rien négliger pour créer une apparence de crise par ses procédés de politique intérieure comme par ses démarches agitatrices pour obtenir de l’Europe une reconnaissance qui lui a été refusée jusqu’ici.

Tout ce qui vient de cette région des Balkans est assez lugubre ou assez énigmatique. Si ceux qui gouvernent à Sofia ont cru en imposer