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contrées avec un sentiment d’horreur et de pitié. « Les habitans sont d’une sobriété extraordinaire, gloutons seulement de pain, ignorans de tous autres délices… Dans leurs affaires, ils se montrent assez adroits et réfléchis, très entêtés. Ils sont sordides dans leur nourriture et dans leurs vêtemens… » Si l’on pénétrait dans les horribles chaumières, faites de torchis, qui leur servaient de demeures, on trouvait des enfans nus sur de la paille, grelottant devant un feu de bousat de vaches… « Ils vivent de châtaignes, qu’ils exportent même au loin. On ne voit dans la campagne que des chênes et des châtaigniers. La terre est couverte de pierres que les paysans ont la paresse de ne pas enlever : sinon, elle ne serait pas mauvaise. Mais la stérilité vient surtout de la barbarie des habitans. Peu de villages, quelques rares chaumières ; dans les champs pierreux, quelques moutons, peu de vaches. »

A travers l’Angoumois et le Périgord, le pays gardait à peu près le même aspect jusqu’aux portes de Bordeaux. Angoulême avait beaucoup souffert des guerres de religion. La peste s’y était installée presque à l’état endémique. Sur la fin du XVIe siècle, Etienne Pasquier, se rendant à Cognac, traversa l’Angoumois et passa, dit-il, « par tel grand bourg dans lequel il n’y avait que quatre ou cinq pauvres ménages » et dans lequel on ne trouvait pas de quoi manger. En 1613, la ville était poursuivie pour dettes, et des huissiers s’étaient installés aux portes qui saisissaient les habitans et les mettaient en prison, faute du paiement d’une somme de deux mille cinq cents livres due par la communauté. On n’avait pas l’argent nécessaire pour acheter un tombereau à enlever les ordures.

Les bourgeois de la ville n’en étaient pas moins « fiers, gens de bon esprit, tenant quelque compte de leur réputation, assez hauts à la main, se vantans volontiers, se plaisans peu au trafic, la plupart vivans de leurs revenus et faisans les gentilshommes. Ils aiment les lettres, sont hospitaliers et courtois et se plaisent à choses nouvelles. »

Quant aux gens du plat pays, « ils sont grossiers et rudes, se ressentant de la lourderie de leurs voisins, adonnés au travail, opiniâtres et têtus, au reste propres aux armes, de grand courage et fort hardis. »

Le Périgord, quoique pierreux et rocailleux, était un peu meilleur. On citait « ses forges à fer et à acier, » ses fabriques d’armes et de couteaux, ses moulins à eau. Rien que la Conze, qui n’a qu’une lieue de cours, « fait néanmoins moudre six vingts moulins, tant à bled qu’à papier. »

Périgueux, disait-on, avait autrefois porté le nom de Japhet, « d’où l’on peut voir qu’elle est très ancienne et que les enfans et