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Très attachée à ses traditions, surtout en matière de jurisprudence, elle entourait de vénération son parlement, qui jugeait d’après les vieilles coutumes de la province. Les cités étaient pleines de magistrats et de prêtres.

Rouen, malgré ses rues étroites, passait pour une belle ville, « sise en lieu commode et bien marchande. » Son admirable palais de justice était le monument élevé à la gloire de la basoche par ces gens fameux en procès. Le manteau de sculpture jeté sur la ville par les architectes et les tailleurs de pierre du moyen âge, lui donnait vraiment l’air royal, et l’on observait que, si elle n’avait pas été détruite successivement par quatorze incendies, elle eût pu être l’égale de Paris.

Caen était l’ancienne capitale et la seconde ville de la duché. « Le château est haut élevé sur la ville et est situé sur un roc et fortifié de son donjon. Au milieu, il y a une tour fort haute et grosse, flanquée aux quatre coins de quatre autres grosses tours et armée de fossés profonds. » Avec son bailli, ses tribunaux, sa chambre des généraux, ses hommes de loi, son université, ses abbayes, ses collèges, Caen marquait bien le caractère doctrinaire et grave du « pays de sapience. »


II

Quand on laissait la France pour pénétrer dans les régions d’outre-Loire, on sentait immédiatement que le pays était autre : « De l’Orléanais à la Guyenne par le Berry, le Poitou, l’Angoumois et la Saintonge, on ne quittait pour ainsi dire pas les forêts. C’était comme une vaste marche frontière qui séparait le pays d’oc du pays d’oil. »

La Sologne, infiniment plus vaste et plus inculte qu’aujourd’hui, croupissait dans la plus horrible misère ; le Berry offrait un aspect un peu meilleur. On louait surtout son activité industrieuse, et les « moutons du Berry » donnaient une laine à la réputation proverbiale. L’université de Bourges, où avaient enseigné les Alciat, les Baudoin, les Hotman, les Cujas, avait étendu au loin le renom de la ville. Les Allemands s’y rendaient en grand nombre et y séjournaient.

Bourges était considéré comme une place très forte, la citadelle et le réduit de toute la Gaule. On montrait, non loin de cette ville, un arbre qu’on disait être placé juste au centre du royaume. On prétendait aussi que la fameuse « grosse tour, » à laquelle on ne pouvait comparer que celles de Carcassonne et de Nuremberg, avait été bâtie par Vercingétorix.