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et vivante. Mais enfin, si l’absolue uniformité est un grand péril, on conviendra que l’infinie diversité est un grave inconvénient.

Il convient donc que l’État donne renseignement, pour que l’enseignement ne soit pas œuvre de parti, et de partis, par suite excessivement divers, par suite élément sécessionniste dans le pays.

A la vérité, l’État dans la pratique étant le gouvernement, l’État aussi est un parti. C’est incontestable. Il ne peut pas être autre chose. Il est un parti, qui, ayant la majorité, a le pouvoir. Mais on confessera que, du moins, il est un parti central. Il n’est pas, il ne peut pas être un parti extrême. Même quand, ce qui est rare, même quand, par un hasard, il l’était avant de prendre le pouvoir, dès qu’il l’a pris, il l’est moins. Ajoutez que le corps qui sera chargé de l’enseignement aura aussi ses traditions, son assiette, sa stabilité, plus encore, aura avec la classe moyenne de la nation, à laquelle il sera constamment mêlé, des rapports quotidiens qui l’inclineront de plus en plus à une habitude et à une attitude de juste milieu.

Pour toutes ces raisons la tradition, la stabilité, le juste milieu, le bon sens même et la raison pratique veulent que l’enseignement soit chose d’état. Mais la liberté, dans l’intérêt même de l’état, a cependant, ici aussi, ses exigences. De ces grandes machines administratives dont nous parlions, l’enseignement serait-il la seule qui fût fermée, qui n’admît point le concours ou au moins l’approche de l’initiative privée ? La chose d’état certainement la plus facilement oppressive, puisque c’est sur des intelligences et des consciences qu’elle s’exerce, et sur des intelligences et des consciences tendres encore et ployables, serait-elle la seule où l’état fut tout-puissant et sans rien qui le tempère, comme dans l’armée ? Il semble bien que cela soit nécessaire ; car ici il est difficile de faire intervenir conseils et commissions électifs. L’école ne doit pas être murée, elle doit même être largement ouverte et ne pas éviter l’œil du père de famille ; mais elle ne peut dépendre de lui. Elle doit obéir, du plus haut au plus bas degré, à une pensée générale, à un unique dessein, lequel ne peut être conçu qu’en haut. Puisqu’elle a pour but « d’élever » la nation, de la tirer, plus ou moins, et autant que possible, vers le point où les plus hautes intelligences du pays ont atteint, c’est à un plan d’ensemble médité et tracé par les esprits et les expériences les plus haut situées qu’elle doit se conformer et se plier. Tout au plus dirai-je, d’accord en ceci avec les principes généraux de Guizot, que tout en haut, dans un conseil supérieur présidant aux destinées de l’enseignement et surveillant ses démarches, pourraient avec profit venir délibérer, exposer des idées, des désirs et des regrets, s’éclairer