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et qu’il eut sa petite part des 4,000 livres sterling (100,000 fr.) que cette réception coûta à Newcastle. « Votre munificence est tombée sur moi comme la manne, » écrit-il au futur duc dans une lettre de remercîmens qui est celle d’un bon artisan à un patron généreux, et n’a rien de la noble allure de celle de son contemporain Cervantes au duc de Lerme : « Le pied déjà dans l’étrier de la mort, grand d’Espagne, je t’écris ceci… »

L’année suivante, 1634, Charles Ier répéta son voyage en Écosse en compagnie de la reine, et avant son départ il écrivit à Newcastle qu’il espérait pour elle la même hospitalité qui lui avait été si gracieusement offerte. Newcastle redoubla donc de magnificence, et cette fois la réception eut lieu dans deux manoirs et deux comtés différens, Welbeck dans le Nottinghamshire, qui fut réservé pour le logement de leurs majestés, et Bolsover dans le Derbyshire, où eurent lieu les fêtes données en leur honneur au milieu de l’affluence de toute la gentry du nord, appelée à venir rendre ses devoirs au souverain. Comme l’année précédente, le masque fut commandé à Ben Jonson. Cette nouvelle œuvre trahit encore plus que la précédente l’essoufflement de la verve, mais elle est moins obscure et va droit à son but par des moyens plus naturels. Il y célébra sous les noms d’Éros et d’Anteros l’amour réciproque pour lequel ce couple infortuné a été célèbre, et auquel il dut cette royale lignée que le pinceau de Van Dyck a immortalisée dans une toile inoubliable. Cette seconde réception coûta à Newcastle la bagatelle de 14,000 livres sterling (350,000 fr.) La duchesse mentionne encore une troisième réception faite à Welbeck en l’honneur des deux neveux du roi, l’électeur palatin et le fameux prince Rupert, que Charles voulut promener dans cette forêt de Sherwood, célèbre par les antiques exploits de Robin Hood ; mais comme les frais de cette réception ne dépassèrent guère la somme de 1,500 livres (37,500 fr.) il suffit de lui accorder une simple mention d’estime.

Ben Jonson nous est une transition toute naturelle pour parler de ces talens de gentilshomme qui rendirent célèbre le nom de Newcastle dans toute l’Europe, car personne ne les a vantés d’une manière plus flatteuse, comme le prouve la petite pièce suivante, où il trouva moyen en même temps de louer l’habileté de cavalier de son patron, et de lui témoigner sa reconnaissance de la manière la plus facétieusement originale.


Lorsque je vous vis pour la première fois, monseigneur, monter votre cheval, provoquer son ardeur, commander sa force et la faire plier à tous les exercices de la manœuvre et de la course, il me sembla que je lisais la description de l’ancien art de Thrace, et que je voyais un Centaure supérieur à ceux de ces vieux contes de la Grèce, tant