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appartient. L’instruction ici est un moyen, l’éducation est le but. Enfin, la littérature étant l’expression la plus libre et la plus large de l’esprit humain, on l’a considérée jusqu’ici comme la base des humanités, de même que la philosophie en est le couronnement.

Tels sont les principes qui ont inspiré l’éducation en France depuis Montaigne, Bossuet, Fénelon, jusqu’à Rollin et aux principaux grands maîtres de l’Université française. Les autres nations n’ont fait ici que nous suivre. L’Allemagne a recueilli, elle conserve l’esprit de nos collèges et de nos universités. En Allemagne, la séparation des élèves de lettres et des élèves de sciences est inconnue. Les futurs médecins, les futurs ingénieurs reçoivent la même culture classique que les futurs professeurs ou les futurs élèves de droit. Le même « examen de maturité, » correspondant à notre baccalauréat ès lettres, leur ouvre les universités, et cet examen comprend : 1° une dissertation en allemand ; 2° une dissertation en latin ; 3° un thème latin ; 4° un thème grec ; 5° un thème français (le tout sans dictionnaires) ; 6° une composition de mathématiques. Voilà la part des sciences ! Aux épreuves orales, on explique les auteurs latins et grecs ; on répond sur l’histoire grecque et romaine ou sur l’histoire d’Allemagne. La géographie est associée à l’histoire sans faire l’objet d’une étude spéciale. On voit à quoi se réduit ce grand rôle que la légende attribue à la géographie chez nos voisins. Enfin on interroge sur l’arithmétique, sur la géométrie et sur les élémens de l’algèbre. On n’interroge pas sur la physique ni sur l’histoire naturelle. En un mot, on exige une connaissance sérieuse du latin, du grec et des mathématiques. Le reste des sciences, si les élèves en ont besoin, ils l’approfondiront aux universités. Ils y resteront quatre ans, après avoir subi leur examen de maturité dans le cours de la dix-neuvième année en moyenne. Ils étudieront donc jusqu’à l’âge de vingt-trois ans environ. Ce système montre qu’on peut avoir des hommes de science sans les accabler de sciences dès le collège, et qu’un bon humaniste peut construire plus tard des ponts solides ou diriger l’exploitation des mines.

Dans les gymnases, il n’y a même pas de professeurs spéciaux pour les sciences. A l’examen d’état, chaque futur professeur est obligé de se faire recevoir pour deux branches d’enseignement au moins, par exemple pour les langues anciennes et l’histoire naturelle, pour l’histoire et pour les langues modernes, ou pour les mathématiques et la géographie, etc. On a ainsi des esprits moins enfermés dans leurs études et, par cela même, moins fermés. En outre, les professeurs n’ont plus besoin d’être aussi nombreux. Le gymnase allemand a neuf professeurs ordinaires