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saurait, sans une discipline de plus en plus rigoureuse, s’adapter à une telle variété de faits et de lois, de théories et d’applications. Jusqu’ici on a surtout réformé soit les programmes, soit les méthodes des diverses études scientifiques ou littéraires ; mais on ne-s’est guère préoccupé d’introduire l’unité et l’harmonie dans l’ensemble. L’élève est livré à une succession de maîtres dont chacun enseigne isolément sa « spécialité ; » reste à savoir si une série de spécialités forme une véritable unité, si les forces intellectuelles de la jeunesse, qui sont aussi des forces sociales, ne sont pas en partie gaspillées faute de concentration et de direction.

Deux écueils sont surtout à éviter dans l’éducation classique : un enseignement trop matériel et un enseignement trop formel. Les sciences aboutissent d’ordinaire au premier inconvénient ; les lettres, telles qu’on les enseigne, au second. On a cru remédier au double excès de positivisme et de formalisme par la combinaison, ou plutôt par la juxtaposition des études littéraires et des études scientifiques ; mais il y a de telles disparates en cet assemblage que le résultat désiré ne semble pas atteint. On étudie en ce moment les réformes à introduire ; des rapports ont été rédigés par les hommes les plus compétens sur l’enseignement littéraire et scientifique[1]. Des projets de loi sont à l’étude. Enfin, une association s’est fondée pour la réforme de notre enseignement secondaire, et il est à craindre que cette association, par les vues utilitaires qu’elle met en avant, n’exerce une influence regrettable. A vrai dire, notre système d’enseignement ne paraît pas avoir encore trouvé son centre de gravité. Il s’agit avant tout de savoir quelle doit être la base de l’éducation : les uns la veulent scientifique, les autres la veulent littéraire ; ces derniers, à leur tour, se subdivisent en partisans des langues anciennes et partisans des langues modernes. Pour nous, nous nous demanderons si le lien des sciences et des lettres ne doit pas être cherché dans la connaissance de l’homme, de la société et des grandes lois de l’univers, c’est-à-dire dans les études morales, sociales, esthétiques, et, en un seul mot, philosophiques.

C’est là une idée qui se répand de plus en plus dans les diverses nations : les récentes réformes de l’enseignement en Italie en sont une nouvelle preuve. Nous avions demandé jadis ici même que le cours de morale, d’esthétique, de logique et de philosophie générale, au lieu d’être tout entier réservé à la dernière

  1. Ces rapports font honneur à l’Université : plusieurs sont des morceaux de premier ordre, les vues y sont élevées et philosophiques. Nous regrettons seulement que le rapport consacré aux sciences soit rempli en entier par une énumération de programme.