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hallali! "2 SI lien platonique peut suffire, qu’un amour idéal peut satisfaire et un souvenir poétique consoler d’une impossibilité... — Enfin, murmura-t-il, vous ne l’aimez plus? — Ah ! non, grâce à Dieu ! - Le haïssez-vous donc? — Je ne hais personne. — Pas même moi? Elle le regarda de ses yeux humides, dont l’étrange reflet bleuté était si doux derrière ses larmes. Et, haussant légèrement les épaules : — Vous moins que tout autre, vous le savez bien. Ivre déjà, étourdi par le coup qu’il avait reçu, enragé d’amour et de jalousie, il sentit qu’une vraie démence le gagnait. Il entoura de ses bras le corps de Marie-Madeleine et couvrit de baisers les cheveux et les yeux de la jeune fille en murmurant de ces protestations d’amour qui sont injurieuses toutes les ibis qu’elles n’ont pas été directement provoquées. Mais cette exaltation de ses sens s’affaissa comme par enchantement devant l’accueil glacial que Marie-Madeleine faisait à ses transports. Sans indignation et sans emportement, — avec un regard de pitié, au contraire, — elle s’était levée, lente et rigide, en repoussant les mains du jeune homme. Celui-ci fut instantanément dégrisé. 11 venait de compren- dre le caractère doublement insultant de ses démonstrations intem- pestives, et aussi que ce corps charmant ne vibrerait plus jamais d’aucun désir charnel, à moins que le cœur contrit et humilié qui l’habitait ne pût s’unir à lui avec toute sa fierté reconquise. Et il comprit encore, en voyant le maintien si simple et si digne, mais surtout si inflexible, de la jeune fille, qu’un mur de glace s’élevait désormais entre eux, et qu’elle était perdue pour lui sans retour s’il ne trouvait sur l’heure des mots venus du cœur pour inno- center sa propre conduite, des idées généreuses pour la faire oublier. Au moment où il reprenait les mains de Marie-Madeleine, pour l’obliger à se rasseoir et à l’entendre, il vit poindre au bout de l’allée un couple fort reconnaissable. C’étaient les maîtres du logis. Marie-Madeleine les avait également aperçus ; et, tout naturelle- ment, ce lui fut une raison de retirer ses mains avec plus d’em- pressement encore. Mais les doigts de Frantz se reiermèrent sur les siens avec une impérieuse et douce énergie. — Restons ainsi, dit-il. Croyez-moi, je vous sauve! Quand M. et M me de Buttencourt ne furent plus qu’à une ving- taine de pas, Frantz entraîna Marie-Madeleine à leur rencontre. Celle-ci, pressentant les intentions du jeune homme, se débattait.