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Tô8 KEVUE DES DEUX MONDES. attente en vous ménageant à tous, mais surtout à vous, mesdames, quelques beaux coups de fusil. — Oh ! cela nous est pariaitement égal ! s’écria la petite M me Fru- gères. JNous avons mis nos costumes : lâchasse sera toujours bonne... Et même, quant à moi, étant donné qu’il faudra revenir chez le garde pour le déjeuner, si l’on voulait y procéder tout de suite, je n’y ver- rais pas d’inconvéniens. — Vous êtes cynique, ma chère! — Franche, tout simplement. C’est le costume qui veut ça. Puis, baissant la voix, de manière à n’être entendue que de Frantz et d’Edgar, qui marchaient tous deux à côté d’elle : — Il ne produit cependant pas le même efïet sur toutes les iemmes... Il y en a qui ont beau se déguiser en hommes... Son regard, avec une perfidie remarquable, désignait, sans insis- tance trop déplacée, Marie-Madeleine , laquelle cheminait, en ce moment-là, devant elle. Ses deux voisins tressaillirent en même temps, ayant saisi ou plutôt suivi ce coup d’œil indicateur. Mais ils n’eurent garde, ni l’un ni l’autre, de relever le propos : ils savaient que M me Frugères avait le travers peu original de supporter difficilement les femmes plus jolies qu’elle. Toutefois, à partir de cet instant, l’attention de M. Real ne put se détacher de Marie-Madeleine. Si bien qu’il s’aperçut, au moment où le baron achevait de pla- cer son monde à l’entrée des tirés bordant tout un côté de la forêt, que le châtelain de Rubécourt profitait de l’occasion pour engager un colloque des plus animés avec M Ue Hart. Celle-ci paraissait aga- cée et mécontente; pis que cela : irritée ou indignée, secouant la tête en signe de relus, avec une énergie singulière. Frantz remarqua tout aussitôt qu’il lui était possible, sans don- ner l’éveil, de gagner sous bois le revers du taillis près duquel avait lieu la discussion qui l’intéressait si fort. Il n’hésita point et se glissa, parmi les arbres, jusqu’à un endroit très proche de celui où se tenaient les deux personnages. Il leur était à peu près caché par les branchages et les broussailles. D’un autre côté, des éclats de rire l’avertissaient que les plaisanteries d’Edgar Lecourtois, en train de formuler, d’une façon tout humoristique, les principes essentiels de la chasse à tir et spécialement de la chasse au rabat, obtenaient un plein succès. Le jeune homme paraphrasait, pour la plus grande joie de ses voisins, l’axiome fondamental de cette chasse, lequel est aussi celui de l’escrime : toucher et ne pas être touche. — Il faut bien que je vous parle ici, dit M. de Buttencourt, puisque vous n’avez pas voulu m’entendre ailleurs... L’autre jour, j’ai obtenu, Dieu sait au prix de quels efforts et de quelles instances! que vous répondissiez un mot, un seul, à toutes mes lettres res-