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qui le composent, l’archevêque agenouillé, à une assez grande hauteur, au-dessus du sarcophage, et les allégories de la Foi et de la Charité, qui se tiennent, de chaque côté, dans la partie basse, perdraient beaucoup à être isolées d’un milieu architectural qui explique leurs proportions et leurs mouvemens. L’archevêque, tête nue, en vêtemens sacerdotaux, sa mitre et sa crosse à ses pieds, est agenouillé au sommet, la tête levée vers le ciel, la main gauche sur son cœur, comme pour attester sa croyance, la main droite tendue, comme pour demander que ses actes soient jugés. Les deux figures, placées en contre-bas, correspondent par leurs attitudes à ce double mouvement. Toutes deux lèvent sans affectation leurs regards du côté du prélat, la Foi, lui offrant le calice avec l’hostie et répétant le geste de la main sur le cœur, la Charité portant un enfant sur l’un de ses bras et soutenant de l’autre un petit garçon debout à son côté. C’est aussi dans le style ample et robuste, largement étoffé, du XVIIe siècle français, que M. Delaplanche a exécuté ces trois figures avec l’aisance et la dignité que donne une expérience consommée. La figure de la Charité, notamment, est un morceau grandiose de la plus noble allure.

Les sculpteurs qui reçoivent des commandes de cette importance et de ce genre passent, parmi leurs camarades, pour des privilégiés et des heureux. En attendant qu’ils soient chargés d’éterniser en public l’image d’un personnage illustre, vieux ou nouveau, ceux qui ont le goût des résurrections historiques sont, d’ordinaire, longtemps réduits à s’y préparer en essayant d’immortaliser des héros de leur choix. C’est ainsi sans doute que MM. Labatut, Vital-Cornu, Gauquié, se sont épris, l’un de Caton d’Utique, l’autre d’Archimède, le troisième de Brennus. Le premier a représenté le vieux Romain à ses derniers momens, assis, une main posée sur le Phédon qu’il vient de lire, et, de l’autre, tenant l’épée dont il va se frapper. Le bras étendu sur le papyrus semble un peu raide, mais l’attitude générale est simple et ferme, et c’est par une étude réaliste de bon aloi que M. Labatut s’est efforcé, dans la tête et dans les membres, d’exprimer la rudesse énergique de ce corps rugueux, enveloppe solide d’une âme de même trempe. Le groupe dans lequel M. Vital-Cornu a voulu faire de la mort d’Archimède une allégorie générale, scientifique et patriotique, n’est pas si aisément intelligible. Le vieux savant, accroupi sur le sol et continuant ses recherches géométriques entre les jambes du soldat qui s’apprête à le frapper, pousse l’indifférence aux choses extérieures jusqu’à l’invraisemblance palpable. On comprend qu’absorbé dans son travail, il n’ait entendu ni le bruit du combat dans les rues, ni le bruit du danger qui s’approche, mais dans l’attitude étrange