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assister. Il n’est pas un visiteur du Salon qui ne se soit arrêté devant cette Jeune fille de Bou-Saada, assise, les jambes croisées, à la mode orientale, sur un tombeau de pierre et qui n’ait demandé, en la voyant si simplement attristée, et d’une main nonchalante laissant tomber des fleurs devant elle : « Qui donc regrette-t-elle ? » La réponse était aussitôt donnée par le médaillon de Guillaumet, modestement encastré, à ses pieds, dans la dalle tumulaire. Elle pleure l’artiste qui l’a le mieux comprise et qui n’a compris qu’elle, ou plutôt elle est sortie de l’œuvre même du peintre pour apporter un souvenir sur sa tombe. C’est ainsi que, l’année dernière, dans le monument de Baudry, par M. Mercié, la Muse qui couronne le buste était sortie de l’œuvre même de Baudry. M. Barrias a mis toute la souplesse de sa main et toute la bonté de son cœur à modeler cette simple et douce figure ; c’est une œuvre qu’on sent émue et qui, par conséquent, nous émeut.

Il n’est pas toujours facile de donner à la douleur qui s’assied sur une tombe un type si particulier. Lorsqu’il s’agit d’une douleur privée n’ayant pour objet que des vertus morales ou intellectuelles qui ne se sont point exercées en dehors du cercle des relations domestiques ou sociales, l’allégorie reste forcément plus générale ; ce qui ne l’empêche point de pouvoir être vivement expressive comme celle, par exemple, que M. Mercié sculpta autrefois pour le tombeau de Mme Charles F… La belle figure en marbre, destinée par M. Coutan au tombeau de Mme Louis Herbette, rentre dans la série de ces allégories un peu vagues, mais néanmoins saisissantes par l’ensemble mélancolique de l’attitude, du geste, de la physionomie. C’est une sorte de matrone ou de prêtresse antique, au visage noble et régulier, assise sur un siège bas, entre deux consoles renversées, appuyée à un tronc d’arbre desséché. La tête penchée sous de grands voiles, le corps affaissé sous l’amas des plis amples de sa tunique et de son manteau, elle semble arracher tristement de la main une feuille de chêne, la seule qui reste attachée à un tronc dont les racines tortueuses s’enchevêtrent sous ses pieds. Devant elle, sur le sol, gisent quelques autres feuilles mortes. Le geste est d’une tristesse puissante et d’une haute résignation ; ce marbre, taillé largement dans la manière grandiose et décorative du XVIIe siècle, fait grand honneur à M. Coutan.

Le plus important des monumens commémoratifs exposés est le Monument de Mgr Donnet, archevêque de Bordeaux, destiné à la cathédrale de cette ville. L’artiste, M. Delaplanche, nous le présente, dans son ensemble, avec la plinthe et le sarcophage de marbre noir figurés par des charpentes peintes, et nous voudrions voir cet exemple plus fréquemment suivi. Il est certain que les trois figures