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signalés plus haut, il en est plusieurs, tels que MM. Gauquié et Larroux, auxquels profitera sans nul doute cette épreuve publique. Nous donnerions volontiers le même conseil à M. Hector Lemaire, pour sa Vénus, inspirée par les vers d’Alfred de Musset, et tordant ses longs cheveux. La déesse pose, debout, sur un dauphin que conduisent deux enfans ; la tête est assez jeune et triomphante, et, dans l’allongement du corps, on sent une recherche d’élégance aristocratique qui contraste avec l’épaisseur des Vénus populaires répandues çà et là dans le jardin. M. Lemaire destine sans doute cette figure à la fonte ; la silhouette, en effet, en est nette, vive, légère ; maison y voudrait une allure plus aisée et plus libre, en même temps qu’un caractère plus soutenu et plus chaleureux dans le modelé d’ensemble ; c’est ce que M. Hector Lemaire peut lui donner par une révision attentive. Nous signalerons encore, comme pouvant gagner à être simplifiées et allégées, la nymphe assise sur un monstre que M. Engrand appelle le Rêve ; la Nuit, ingénieusement disposée, mais beaucoup trop compliquée, par M. Dolivet, et même l’autre Nuit, de M. Dagonet, bien que cette dernière soit déjà plus intelligible, plus simple et plus élégante.


II

La seule statue équestre du Salon est la statue d’un peintre, Velasquez, par M. Frémiet. Cet artiste éminent nous a depuis trop longtemps accoutumés aux caprices originaux de son imagination savante et hardie pour que nous soyons surpris de cette nouvelle fantaisie. A vrai dire, lui seul pouvait l’avoir ; il ne tardera pas à rencontrer des imitateurs, car il a certainement trouvé, tant au Champ de Mars qu’aux Champs-Elysées, des cœurs pour le comprendre et des mains pour l’applaudir. On avait représenté, sur les places publiques, des peintres en académiciens, des peintres en ambassadeurs, des peintres entourés de leurs élèves ; mais on n’avait pas encore pensé à les mettre à cheval, comme les condottieri, les empereurs, les héros, comme Colleoni et comme Charlemagne, Marc-Aurèle et Jeanne d’Arc, et vraiment cela manquait à leur gloire. Grâce à un sculpteur équitable et compatissant, voici donc une injustice réparée, et, d’ici peu, nous pouvons nous attendre à voir chevaucher sur les places publiques Léonard de Vinci, Rubens, Van Dyck, Carle Vernet, Géricault, tous grands peintres de chevaux, tous grands amateurs d’équitation, comme on sait, qui méritent cet honneur autant que Velasquez. Une fois cette résolution bien prise de représenter les grands hommes non pas dans leur