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à la politique, il vint y prendre des leçons de Koch. Il n’aurait trouvé un enseignement semblable ni à Paris, ni dans aucune autre université française. De plus, celle de Strasbourg possédait une de ces « facultés de philosophie, » qui ont pris tant d’importance en Allemagne. Elles n’existaient pas non plus en France, et il n’y avait rien qui pût en tenir lieu. On a vu plus haut que, dans les facultés des arts du moyen âge, on apprenait un peu de grammaire et beaucoup de dialectique. La renaissance renversa les proportions et fit le principal de ce qui n’était jusque-là que l’accessoire. En donnant plus d’importance à la grammaire et aux lettres, elle créa véritablement ce que nous appelons l’enseignement secondaire. C’était un grand service qu’elle nous rendait, mais ce service, nous l’avons payé de la destruction, ou du moins de l’affaiblissement de l’enseignement supérieur. Comme les lettres et la grammaire s’enseignaient dans les collèges, il arriva chez nous que ce qui restait de la dialectique, ou, si l’on aime mieux, de la philosophie, ne voulant pas s’en séparer, les y suivit, en sorte que les collèges finirent par renfermer tout ce qui restait de l’ancienne faculté des arts. C’est surtout chez les jésuites que ce changement fut poussé à ses dernières limites. Dans leurs collèges, les études sont terminées par deux ans de philosophie, ce qui peut passer, à la rigueur, pour être un enseignement supérieur aux autres et rappeler les grands souvenirs des disputes dialectiques de l’université de Paris. Mais cet enseignement ne diffère en rien du reste : il se donne à huis-clos et les élèves de la maison y sont seuls admis. A la fin de la première année, ils obtiennent le titre de bachelier ; après la seconde, ils peuvent être maîtres ès arts. Ces grades leur sont conférés à la suite d’une épreuve tout à fait illusoire ou même sans examen, sur un simple certificat de leurs professeurs. Les choses se faisaient autrement en Allemagne. La réforme y avait éveillé et y entretenait le goût de la science. La philosophie y était restée en dehors des gymnases et gardait sa place dans l’université. Autour d’elle s’était formé tout un groupe d’études sérieuses, dont elle était devenue le centre. Ainsi avait pris naissance la Faculté de philosophie qui comprenait la philologie et l’histoire, la connaissance des littératures anciennes, les sciences mathématiques et physiques. C’était un haut enseignement, indispensable aux jeunes gens qui voulaient devenir des professeurs, éminemment utile aux autres, et dont rien ne donnait l’idée dans les universités françaises. Cet enseignement existait à Strasbourg ; il y était donné par des maîtres illustres, les Oberlin, les Brünck, les Schweighœuser, c’est-à-dire par des savans qui faisaient honneur à la France. Mais l’université de Strasbourg était une exception à laquelle on ne prit pas garde ; on la