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quelques élèves à peine. « Elle se trouva, nous dit M. Germain, dans un tel état de détresse qu’elle n’eut plus de quoi faire les frais d’une robe neuve à l’usage de ses gradués, et qu’elle fut réduite à emprunter celle de sa rivale, l’école de médecine, qui, pour comble d’humiliation, la lui envoyait quelquefois redemander avant la fin de l’examen. » Quand les temps furent redevenus plus calmes, Henri IV et Louis XIV essayèrent de relever l’enseignement du droit à Montpellier ; mais les élèves en avaient oublié le chemin, et vers la fin du XVIIIe siècle, l’école ne faisait guère en moyenne que huit licenciés par an.


III

C’est surtout l’école de médecine qui a fait la gloire de l’Université de Montpellier. Elle aussi a eu sans doute quelques vicissitudes dans sa longue existence ; comme l’école de droit, elle a connu de mauvais jours, mais elle s’est vite relevée de tous ces accidens de passage, et elle était encore pleine de vie et dans tout son éclat quand la Convention la jeta par terre, comme tout le reste.

D’où lui est venue cette heureuse et persistante fortune ? Un professeur illustre du commencement du XVIIe siècle, François Ranchin, imagine, pour l’expliquer, une de ces allégories mythologiques qui étaient fort à la mode de son temps. Il suppose qu’Apollon, le dieu de la médecine, chassé par les barbares du reste du monde, se promenait dans les plaines de la Gaule narbonaise, pour y chercher un lieu favorable où il pût ranimer le culte de son art. L’aspect de la jeune cité sortie des ruines de Maguelone le charma. Il fut séduit par la beauté des édifices, la pureté de l’air, les agrémens du site, la douceur et la politesse des habitans. Il résolut de s’y fixer et d’y établir pour jamais son sanctuaire. « Salut donc, ajoute Ranchin, dans un bel élan d’enthousiasme, salut, ô ville gracieuse et chérie ! salut, séjour préféré d’Apollon, qui répands partout ta lumière et l’éclat de ta gloire ! Tu reçois la visite du Gaulois et du Germain, ainsi que du Sarmate, du Breton et des enfans des deux Hespéries. Que de milliers d’hommes distingués sont sortis de chez toi, qui ont travaillé à protéger la santé publique ! Combien de noms illustres n’as-tu pas consacrés dans le temple de Mémoire ! Que d’autres encore te devront dans l’avenir une réputation immortelle ! »

Voilà la poésie et le rêve ; la réalité est un peu différente. L’école de Montpellier eut à sa naissance une chance heureuse qui lui fut bien plus utile que la protection d’Apollon. Elle fut soutenue, encouragée par les vieux seigneurs du pays ; cette race intelligente