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le prétexte d’une idéalisation de l’art, idéalisation proportionnée aux aptitudes du génie japonais, c’est-à-dire toujours concrète et assez proche de terre, mais qui se retrouve aussi bien dans les sujets que dans le style et les procédés de l’école.

Les sujets préférés sont les portraits de personnages légendaires, les paysages romantiques soi-disant chinois, mais surtout les animaux et les plantes. Seulement, les animaux et les plantes représentés dans l’école de Kano sont toujours ceux et celles qui offraient aux Japonais un sens de symboles ou d’emblèmes, ce qui permettait aux peintres de mettre à profit leur sens d’observation, sans avoir à étudier de trop près la réalité naturelle.

Au point de vue de l’exécution, on peut dire que toute l’école de Kano a employé tour à tour deux styles : l’un, quasi graphique ou impressionniste, mettant son prix dans la rapidité de l’esquisse et la simplicité des moyens ; l’autre, plus savant, et de portée plus décorative, soucieux avant tout de la finesse du dessin et de la minutie du rendu. Dans l’un et l’autre de ces styles, d’ailleurs, se retrouvent les mêmes principes : une subordination constante de la couleur au dessin, de l’exactitude à l’effet extérieur, du mouvement à l’expression.

Nous ne pouvons guère insister davantage sur les traits généraux de cet art, qui est dans l’histoire de la peinture japonaise l’équivalent de ce que fut, dans l’histoire de la peinture italienne, l’art classique du XVIe siècle. C’est dans les œuvres de l’école de Kano que le génie japonais a le mieux réalisé la part de perfection formelle dont il était capable. L’école vulgaire a été plus libre et plus variée ; l’école naturaliste a mis dans ses œuvres une vérité plus complète ; mais ni l’une ni l’autre n’ont eu cette belle conscience artistique, ce souci de concilier la nature et l’idéal.

C’est encore dans l’école de Kano que l’on pourrait faire voir de la façon la plus intéressante comment les peintres japonais ont su garder distincte toute leur personnalité en représentant les mêmes sujets et en obéissant aux mêmes principes. Les exemples de Soami et de son frère Ghéami, de Shiugetsou et de Sesson, de Jasounobou et de Sanrakou, sont à ce point de vue bien caractéristiques. Mais, au-dessus de tous les autres, il convient de nommer trois peintres qui nous apparaissent comme les représentans suprêmes de l’art japonais avant Hokousaï : le vigoureux dessinateur Kano Motonobou, l’impressionniste Tanyu (1601-1674) et son frère Naonobou (1607-1651), un des peintres les plus personnels et les plus délicats du Japon.

L’originalité de ces maîtres s’est surtout révélée dans le paysage. Il n’est pas un peintre de l’école de Kano qui n’ait eu, dans ce