Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/13

Cette page n’a pas encore été corrigée

HALLALI î — Eh bien! Madelon, que fais-tu? N’es-tu donc plus des nôtres? — Si fait. Je vous rejoins... J’ai oublié... j’ai oublié quelque chose là-haut. — Yeux-tu qu’on aille te le chercher? — Non, merci. J’irai moi-même. Encore une fois, je vous rejoins dans l’instant. Ne t’occupe pas de moi. — A ta guise. La jeune femme qui était intervenue, et qui n’était autre que la baronne de Buttencourt elle-même, adressa un signe d’appel à un assez beau garçon brun, en habit rouge, qui ne la regardait pas, mais regardait fort attentivement la jeune fille, l’œil à demi extasié derrière son binocle. Au second ou au troisième appel, le jeune homme se décida à tourner la tête du côté de la châtelaine. — Frantz! monsieur Real! criait celle-ci. Tiré de sa contemplation ou de son rêve, il fit un geste d’excuse familier et amical; puis il accourut en souriant, sans aucune confusion. — Daignerez-vous me mettre à cheval? lui demanda la baronne avec une ironie bienveillante. Mon mari endoctrine ses hommes... Et quant à ces messieurs... PeuhL. Mais c’est votre faute, après tout, si je n’ai pas des hôtes plus distingués. Vous effarouchez la noblesse provinciale. Songez donc! un athée! et un athée célèbre! Elle avait eu une moue discrète à l’endroit des invités du baron, — lesquels, en fait, n’étaient pas de grande mine. — Elle eut une grimace de réprobation très peu convaincue pour son hôte préféré. Et elle confia son pied étroit aux mains entre-croisées de M. Frantz Real, qui l’enleva doucement et l’assit sur la selle. — Là! fit-elle en rassemblant ses rênes après avoir passé sa jambe dans la fourche et harmonisé les plis de sa jupe. Maintenant, pour votre peine, je vous autorise à attendre Madelon. Vous nous rejoindrez avec elle... au rond de la Vénerie, vous savez... Tâchez d’être là pour le lancer ! Le jeune homme remercia d’un sourire et se retourna vers le château. Madeleine ou Madelon avait disparu, laissant son cheval aux mains du palefrenier qui l’avait amené. Le baron, ayant fini de conférer avec l’un de ses pîqueux, montrait le chemin à ses hôtes, qui s’étaient galamment groupés autour de sa femme. — Peu d’in- stans après, il ne restait plus dans la cour que les deux chevaux de M. Frantz et de M Ue Madelon, promenés par deux hommes d’écu- rie portant la veste de drap vert et la casquette galonnée d’ama- rante de leur tenue d’apparat. Frantz Real hésita quelques secondes sur le seuil du vestibule.