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une véritable déclaration de guerre à l’adresse des syndicats agricoles, des sociétés terriennes étrangères, des compagnies de chemins de fer, des banques nationales, sociétés de dépôt et de crédit usuraire, gérées par des particuliers et ayant droit d’émission de papier-monnaie dans l’état où elles fonctionnent, en un mot de tout ce qui vit du monopole, et enfin c’était un appel à la classe noire, dont la force numérique n’est pas à négliger dans les pays cotonniers. Aussi l’appel fut-il largement et vite entendu. L’assemblée générale de la Convention, au mois de décembre 1888, accuse trois millions de membres associés à the National Farmers Alliance and Cooperative Union. Le pouvoir exécutif de la Ligue établit du coup son siège officiel et central à Washington : le sens de cette résolution était clair, le Capitole était visé. Qu’allait répondre le nouveau gouvernement américain, porté tout récemment au pouvoir par le parti républicain, resté vainqueur du parti démocrate ?

M. Rusk, le nouveau secrétaire du ministère de l’agriculture, n’hésita pas à prendre parti : il avait vite deviné quel puissant levier la Convention nationale agricole allait mettre entre ses mains. Le fils de petits fermiers, devenu propriétaire foncier et homme d’Etat, se souvint de ses origines et de ses vieilles affinités avec la terre. Voici en quels termes habiles il répondit à la Ligue, dans son rapport général de 1889, déposé sur le bureau du Congrès :

« Ces associations représentent les sentimens légitimes des populations agricoles et prouvent leur désir de faire tout ce qui sera en leur pouvoir pour améliorer leur condition, en perfectionnant les procédés de culture.

« Je considère comme un des premiers devoirs de mon ministère d’aider et d’encourager ces fermiers dans leur entreprise, dont le succès doit avoir pour effet d’augmenter la fortune publique du pays. »

D’économie politique, pas un mot : le secrétaire, resté prudent, n’a voulu voir de la question que le côté agricole technique. Toujours est-il que, malgré cette réserve, la Ligue a désormais trouvé, à la tête du gouvernement lui-même, et son chef et son défenseur. Depuis lors, M. Rusk ne lui a pas fait défaut. Dans son administration, comme devant les commissions législatives, il a soutenu et fait soutenir la cause des agriculteurs, réclamant hautement en leur faveur des taxes intérieures, et le relèvement des droits d’entrée sur toutes les matières premières provenant de l’étranger et pouvant faire concurrence à la production indigène. Les intérêts ruraux ne pouvaient espérer un plus chaleureux interprète de leurs revendications.