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peine à enrôler les adhérens sous sa bannière. Le mouvement s’accélérait d’autant plus que les souffrances de la campagne étaient devenues plus vives. On se rappelle que le nouveau tarif de 1883 avait sacrifié les intérêts agricoles aux prétentions des industriels. En 1886, the Wheel comptait déjà cinquante mille partisans dans l’Arkansas.


VIII. — CONVENTION NATIONALE DES FERMIERS.

Dès le début de 1887, le petit groupe de 1882 était devenu légion : il avait gagné la Louisiane, le Tennessee, le Kentucky, le Wisconsin, l’Alabama, le Mississipi et le Missouri. A l’assemblée générale du 18 janvier 1887, cinq cent mille adeptes étaient représentés. Sur la double proposition des délégués du Texas et de la Louisiane fut votée unanimement la concentration de toutes les alliances fermières en une convention nationale, qui prit le nom de the National Farmers Alliance and Cooperative Union. La nouvelle ligue eut bientôt conscience de sa force. Abandonnant désormais le terrain restreint et purement économique de la première et modeste déclaration de Poil-Ville, qui avait suffi comme programme en 1879, elle faisait un premier pas politique. Elle déclarait « qu’il fallait revenir au vieux principe des fonctions publiques confiées à des hommes compétens, » et blâmait « la recherche des emplois par des nuées de compétiteurs. »

Après cette déclaration de principes, qui était un avertissement lancé à l’adresse des deux partis politiques, et qui allait à l’encontre de la maxime devenue favorite chez les meneurs du suffrage universel, « les dépouilles aux vainqueurs, » la réunion plénière prenait les résolutions suivantes, dont la gravité s’accentuait en automne dernier, alors que la Ligue fermière, réunie en convention nationale à Saint-Louis, mettait solennellement sa main dans celles des Chevaliers du Travail, la fameuse association ouvrière.

« Abolition de tous les monopoles. — Interdiction de la propriété foncière aux étrangers. — Réforme des systèmes de tarifs et de transports. — Circulation suffisante de monnaie. — Création de caisses d’épargne postales. — Admission des noirs dans la Ligue, mais sans leur conférer le droit de délégation à la Convention nationale. — Arbitrage par le comité exécutif pour tous différends entre tous les membres de la Ligue. » — Tel fut le nouveau programme, qu’on peut appeler les cahiers du tiers-état qui venait de se fonder et de prendre position en face des politiciens et des rois de l’argent, prêt à se servir des uns et des autres ou à les combattre, suivant ses propres intérêts. Ce programme était et est resté