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Seront-elles entendues par le Congrès ? Y a-t-il un remède à cette situation aussi embarrassée qu’inquiétante ? Nous voici arrivés en présence de la coalition agricole, qui vient d’arborer son drapeau noir : celle-ci va nous répondre, avec une certaine éloquence.


VII. — THE FARMERS’ ALLIANCE.

La terre américaine est le pays par excellence favorable aux associations et à leur libre développement. Chez un peuple où la presse et la lecture publique progressent avec la même rapidité au sein de toutes les classes, il ne pouvait échapper longtemps à l’observation des classes rurales que la contre-ligue des intérêts similaires était le seul moyen pratique de résister à l’absorption des trusts, et de conjurer ces spéculations qui venaient fausser sans cesse les cours des marchés agricoles.

Au début, on ne s’en était pris qu’aux magasins des traitans, bazars vendeurs de toutes denrées ou des objets de première nécessité, qui étaient venus s’installer dans les campagnes, où ils rançonnaient à leur aise leurs cliens ruraux. En effet, ces derniers, forcés, soit par l’éloignement des grands centres ou par leur manque de ressources monétaires, passaient, non sans murmurer, sous les fourches caudines d’un négoce peu scrupuleux. De grosses fortunes, réalisées hâtivement grâce à cette exploitation sans concurrence, avaient éveillé l’attention des populations victimes. Des meetings locaux, à l’origine, s’étaient formés au hasard : on y tenait des discours violens contre le capital et le monopole ; mais, faute d’entente commune et d’expérience, on se retirait sans aviser ni conclure. La face des choses changea brusquement dès que les tarifs protecteurs, surélevés et créés en faveur des fabricans indigènes, eurent eu pour résultat de faire payer aux cultivateurs le coût des instrumens aratoires et de l’outillage rural à un prix supérieur de 25 à 50 pour 100 au prix de revient.

L’exemple des Chevaliers du Travail, qui fonctionnaient déjà avec succès dans les grandes villes, trouva bientôt des imitateurs au sein des campagnes. Des associations, restreintes et isolées à l’origine, ne tardèrent pas à se concentrer, à prendre corps, et à élargir leur plan d’action. Les deux plus importantes, qui avaient adopté, l’une, la première en date, le nom de the Farmers’ Alliance, l’autre le titre de the Agricultural Wheel (la roue), prirent la tête du mouvement.

C’était de l’état de Kansas, situé au cœur de la production agricole et le plus riche producteur de l’Amérique du Nord, qu’était parti le premier cri d’alarme et de protestation, cri qui, se