Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 96.djvu/961

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce qui s’est en effet produit vers le 10 du mois, et l’amélioration qui a été le résultat de ce revirement est venue encore accentuer le caractère optimiste de la physionomie du reste du marché.

L’argent, comme on l’avait prévu, a été cher en liquidation, moins toutefois à Paris qu’il n’avait été à Berlin et à Londres, à Berlin surtout, où l’on avait payé 8, 9 et 10 pour 100. On n’a guère dépassé, ici, 5 ou 6 pour 100, et même pour la plupart des valeurs, la spéculation a obtenu, sur notre marché en banque, comme au parquet, des conditions bien plus douces. Sur la rente française on a payé de 0 fr. 22 à 0 fr. 25, et il y a eu des reports élevés sur quelques-uns de nos grands titres, Banque de France, Crédit foncier, Chemins français, Suez, etc.

Les opérations de prorogation terminées, on restait préoccupé de l’état du marché monétaire à Londres, et de l’extension que prendrait la panique sur les valeurs brésiliennes. De l’un et de l’autre côté on n’a pas tardé à se rassurer. Si la situation de la Banque d’Angleterre ne s’est pas encore modifiée, l’argent est redevenu très abondant sur le marché libre de l’argent dans la Cité, où les avances sont obtenues bien au-dessous du taux officiel. Quant aux fonds du Brésil, nous avons dit qu’après une brusque dépréciation nouvelle, qui a fait reculer le 4 1/2 à 87 et le 4 pour 100 à 77, une réaction était enfin survenue. Les derniers cours sont 90 et 81. Avant la révolution, ces titres étaient côtés à Londres 101 et 92. De tels prix étaient réellement trop élevés et se seraient peut-être en tout cas difficilement soutenus. Il n’est pas probable qu’on les revoie, au moins d’ici longtemps ; les fluctuations de ces valeurs ne sauraient désormais exercer la moindre influence sur l’attitude et les tendances des marchés européens.

La place de Berlin a donné, en réalité, l’impulsion décisive à la hausse en poussant résolument les fonds russes et hongrois et l’italien. Le 4 pour 100 russe a été porté de 92.60 à 93.20, le Hongrois de 87.90 à 88.30, l’Italien de 95 à 96.62. Pour les deux derniers fonds, les acheteurs profitent de la proximité du détachement d’un coupon semestriel, 2 pour 100 sur le Hongrois, 2.17 sur l’Italien, ce qui ramène les prix actuels à 86.30 et 94.45.

Le gouvernement du roi Humbert a présenté à la chambre des députés de Rome le projet de loi abolissant les droits différentiels entre la France et l’Italie, qui avait été annoncé dans le discours du trône. La commission a déposé son rapport, qui, à l’unanimité, conclut à l’abolition, et le vote de la chambre est acquis d’avance. M. Crispi reconnaît la nécessité d’un retour vers la France après la désastreuse expérience d’une guerre de tarifs, qui n’a fait de mal qu’à celui des deux adversaires qui l’avait déclarée. Parmi les motifs qui ont poussé le ministre italien à exécuter cette évolution politique, on peut placer hardiment le désir de rouvrir le marché français aux valeurs italiennes