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de facultés : théologie, droit, médecine, sciences et lettres. Mais sous ces mots, que de mensonges ; dans ce cadre, que de fantômes ! ! Au fond, les facultés nouvelles n’étaient qu’un nouveau nom des anciennes écoles spéciales, et, en le leur donnant, on ne leur avait pas donné ce qu’il implique d’essentiel, à savoir une âme commune, de laquelle elles eussent été les diverses puissances. Entre elles, pas de liens, pas de rapports, parfois même pas de contacts. Tantôt dispersées, tantôt juxtaposées au hasard d’une distribution absolument empirique, elles devaient vivre sans s’aider, sans même toujours se connaître les unes les autres, appliquées chacune à sa besogne particulière, faisant ici des licenciés en droit, là des docteurs en médecine, ailleurs des bacheliers. Conférer des grades était leur grosse et même leur unique affaire. Aux facultés des sciences et aux facultés des lettres, qui sont pourtant les facultés savantes par excellence, on n’assignait pas, sauf à Paris pour les besoins de l’École normale, d’autre destination et d’autre tâche. On ne leur donnait, aux sciences, que quatre ou cinq professeurs pour toutes les provinces des mathématiques, des sciences physiques et des sciences naturelles ; aux lettres, que trois ou quatre pour le domaine immense de la philosophie, de l’histoire, des langues et des littératures, et encore de ces professeurs la plupart faisaient-ils double emploi, professeurs au lycée, juges à la faculté. Aussi l’enseignement, quand il exista, ne fut-il que l’intermède des sessions d’examen, et comme il manquait des instrumens nécessaires et d’une clientèle assurée, il demeura sans portée et sans fruits.

On comprend la hâte de la Restauration à supprimer ces ombres coûteuses. L’Empire lui laissait vingt-trois facultés des lettres ; elle n’en conserva que six. Un instant, tout à fait au début, elle parut disposée à donner à l’enseignement supérieur une organisation plus conforme à sa destination véritable ; elle en fut vite détournée par le cours que prit sa politique. L’ordonnance de 1814, qui créait des universités régionales, douées chacune d’une certaine autonomie, resta lettre morte, et l’Université impériale, devenue l’Université royale, continua, malgré une suspicion aiguë et des attaques constantes, de pourvoir à la fonction publique de l’enseignement. Pendant cette période, il fut peu fait par le pouvoir pour l’enseignement supérieur. L’organisation générale n’en fut pas modifiée ; les ressources n’en furent pas sensiblement accrues. On le tolérait ; on le subissait, faute de pouvoir le remplacer, et souvent la politique s’y faisait sentir avec brutalité aux hommes et aux institutions. C’est pourtant à cette époque que notre enseignement supérieur, dépourvu d’institutions qui l’eussent modelé dans une forme adéquate à sa fonction, s’en donna de