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indemnités, les expertises supprimées du même coup, quelle simplification et quelle fructueuse économie ! Si quelque jour, cependant, le propriétaire veut, en gardant son champ, vendre sa mine, alors, les limites, les relations respectives des deux propriétés, superficielle et souterraine, seront du moins fixées et garanties par des engagemens mutuels accommodés à la nature des lieux, par des conditions librement débattues, dont aucun des contractons n’aura droit de se départir ou de se plaindre.

Le seul côté véritablement défectueux du système de l’accession, Mirabeau l’avait signalé déjà ; c’est qu’il prolonge à travers le sol les divisions superficielles et qu’il fractionne ainsi arbitrairement le gîte, au détriment de l’exploitation. Non pas qu’une mine soit par elle-même un tout concret et indivisible ; mais il n’est pas indifférent de l’attaquer sur tel ou tel point de son parcours. L’extraction pratiquée simultanément dans plusieurs propriétés contiguës, outre qu’elle décuplerait les frais généraux, risquerait d’amener des éboulemens ou des inondations, de sorte qu’il faudrait grouper les propriétaires en nombre suffisant pour constituer les élémens d’une exploitation rationnelle et unique. Ils y viendront d’eux-mêmes dans bien des cas ; au besoin, l’administration les y amènerait en leur refusant le permis d’exploiter, dès qu’il y aura danger de gaspillage ou d’accidens. Quelque progrès pourtant qu’ait fait l’esprit d’association depuis bientôt un siècle, il y aura des résistances qui paralyseraient tout et dont il faut avoir raison. Force. est alors à l’autorité publique de se montrer, soit pour réunir d’office en syndicat tous les intéressés plus ou moins récalcitrans, soit pour attribuer la propriété de la mine à une tierce personne, à charge d’indemniser les propriétaires. La première combinaison est plus respectueuse des droits existans ; c’est celle qu’on applique aux desséchemens de marais, aux constructions de digues contre la mer ; nous avons, là-dessus, des lois qui rendent l’association syndicale obligatoire, une procédure toute montée, qu’il serait assez facile d’adapter à l’extraction souterraine en cas de morcellement et de refus de concours ; on l’a déjà fait, en 1838, pour les travaux d’épuisement communs à plusieurs mines. Mais il est sensible qu’une concession du gouvernement assurera mieux le succès de l’entreprise. Le syndic qui serait chargé d’exploiter pour le compte de plusieurs propriétaires, divisés d’intérêts et aigris les uns contre les autres, se trouverait dans une situation plus difficile encore que celle d’un fonctionnaire administrant une mine de l’État. Le concessionnaire qui joue sa fortune, et qui ne doit de comptes à personne, a ses coudées franches ; la raison suffit pour préférer cette combinaison.