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débouchent ensuite à diverses reprises pour les refermer immédiatement après. Dans ces conditions, le lait ne tarde pas à contracter une odeur et une saveur franchement vineuses, et se transforme rapidement en koumys. Assez riche en alcool, rendue aigrelette par l’acide lactique, mousseuse parce qu’elle est saturée de gaz carbonique, la boisson obtenue de cette manière n’est pas mauvaise, à ce que l’on prétend. Il est même possible d’en extraire l’alcool par distillation. A défaut de lait de jument, on peut à la rigueur arriver à obtenir un liquide spiritueux avec du simple lait de vache : le képhyr des Caucasiens et une autre boisson anonyme qui se fabrique en Suisse dans le canton des Grisons n’ont pas d’autre origine, et doivent ressembler au koumys sous le rapport du goût.

Mais l’homme, presque toujours, a beaucoup moins d’intérêt à transformer ainsi les produits des vacheries qu’à chercher à leur conserver le plus longtemps possible les qualités hygiéniques qu’ils possèdent normalement à l’état frais. Le meilleur procédé assurément consiste à refroidir le lait : ainsi le docteur Adam, qui s’est beaucoup occupé du lait et de ses caractères, a indiqué le plan d’un appareil fort simple destiné à fournir un liquide irréprochable aux malades de l’hôpital Beaujon, à Paris. On verse le lait dans une caisse métallique entourée de glace pilée, et de temps à autre on entretient l’homogénéité du lait au moyen d’un agitateur hélicoïdal mu par une manivelle extérieure. De cette manière, on entrave la montée de la crème, précaution nécessaire en ce sens que la séparation des globules gras s’opère d’autant mieux que la température est plus basse. Dans les grandes villes, les crémiers ou laitiers opèrent plus simplement : ils ajoutent au lait la glace à rafraîchir de façon à augmenter le volume de leur marchandise par celui de l’eau de fusion, propre ou sale, que fournit la glace en se liquéfiant.

Au lieu d’employer le froid, on peut avoir recours à la chaleur ; récemment bouilli et par cela même purgé d’air, le lait ne contient plus de germes et ne s’altère pas de quelque temps. Mais l’ébullition présente deux inconvéniens ; d’abord le lait, même après refroidissement complet, s’écrème avec difficulté ; puis l’arôme du liquide s’évanouit. Nous voulons parler de ce parfum si délicat qu’on perçoit durant la traite et que les chimistes ont réussi à isoler en agitant le lait avec quelques gouttes de sulfure de carbone.

Au début de son ouvrage sur le lait, M. Duclaux indique un autre moyen de conservation permettant d’obtenir un produit rigoureusement exempt de microbes. Il va sans dire que le procédé en question, très précieux pour le chimiste ou le biologiste, ne saurait