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torrens d’encre, soit pour prouver que la caséine du lait n’est pas contenue dans ce liquide à l’état de dissolution, soit pour démontrer le contraire, sans parler des chimistes qui tiennent pour l’opinion moyenne et partagent le différend en posant en principe qu’une partie seulement de la caséine se trouve à l’état de parfaite dissolution. On n’a pas moins disserté pour établir, preuves en main, que la caséine, loin d’être simple, résulte du mélange intime de plusieurs matières bien distinctes. Gardons-nous d’aborder l’exposition de ces interminables controverses dont quelques-unes remontent seulement au siècle dernier, sans être tranchées pour cela. N’oublions pas de noter que, suivant une opinion communément reçue, la caséine, ou la partie soluble de la caséine, n’est dissoute dans le lait qu’à la faveur de la très petite dose d’alcali que contient ce liquide, et qu’on retrouve dans les cendres après dessiccation et calcination au rouge sombre[1]

Mais puisque la caséine ne se coagule pas sous l’influence d’une chaleur modérée, quelle peut être la nature de la pellicule ou toile qu’on voit se former à la surface de lait bouilli ? Il faut croire que cette membrane, est formée d’une sorte d’albumine, coagulable par la chaleur, et accompagnant la caséine. Un des procédés les plus habituels de l’analyse du lait consiste à le traiter par l’acide acétique. Le « coagulum » formé, soumis à la filtration, est ensuite attaqué, comme nous le verrons plus tard ; mais les gouttes qui ont suinté à travers le papier du filtre ont beau être parfaitement limpides, elles se troublent par l’ébullition, ce qui dénote la présence de l’albumine. Le liquide trouble doit être clarifié de nouveau et, pour plus de simplicité, les chimistes recueillent cette albumine sur le premier filtre encore rempli de caséine. Dans le cours de l’analyse, ils lavent, dessèchent et pèsent ensemble les deux corps azotés sans les distinguer l’un de l’autre.

Si nous rinçons à diverses reprises, avec de l’éther, le magma accumulé sur le filtre, nous arriverons à dissoudre et à entraîner le beurre mélangé à la caséine ainsi qu’à l’albumine. Celles-ci finiront par rester seules, et, desséchées avec précaution, pourront être pesées. On apprendra de la sorte que dans un litre de lait de vache il se rencontre en moyenne 36 grammes de caséine[2] ;

  1. C’est-à-dire que la caséine soluble serait une sorte de caséinate de potasse ou de soude, renfermant très peu de base unie à une molécule extrêmement complexe. La solubilité de ce corps serait accrue par un excès d’alcali, au lieu que les acides s’emparant de la base précipiteraient la caséine sous sa forme insoluble.
  2. Peut-être ferions-nous mieux de dire « caséo-albumine. Il Mais ce terme étant bien long, nous aimons mieux confondre avec la majorité des chimistes la caséine et l’albumine, sous l’expression commune de caséine.