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butyrine, et qu’au contraire cette même matière ne figurait pas dans le beurre artificiel. Prenons du beurre de bonne qualité, purgé de caséine et exempt de corps étrangers : ajoutons un peu d’acide sulfurique et d’alcool ordinaire ; le résultat de ce traitement sera de faire réunir l’acide butyrique à l’alcool avec production d’éther butyrique, facilement reconnaissable à l’excellente odeur d’ananas qu’il exhale. Traité de même, le beurre de margarine émettra tout d’abord un parfum de fruits assez agréable, quoique nettement distinct de la senteur précédente, mais bientôt l’opérateur percevra un relent de vieux suif. Ce procédé a du moins sur le précédent l’avantage de soumettre l’odorat du chimiste à de moins rudes épreuves.

On a espéré pouvoir tirer parti de l’appréciation exacte de la température de fusion du corps gras suspect, car les beurres naturels, riches en oléine, fondent plus aisément que les beurres de margarine ; de plus, les premiers se résolvent d’habitude en une liqueur limpide, et les seconds fournissent une huile trouble. Par malheur, une pareille méthode laisse à désirer à cause de l’état pâteux qui précède toujours la fluidité parfaite lorsqu’on réchauffe le beurre.

D’autres savans ont prétendu pouvoir arriver à des conclusions suffisamment nettes, en mesurant bien exactement la densité du corps gras ; et encore tous sont loin d’être d’accord au sujet de la température fixe à adopter pour les observations : l’un choisit 100 degrés ; l’autre opère immédiatement au-dessus du point de liquéfaction ; un troisième ne chauffe pas son beurre et règle ses mesures sur la température de 15 degrés.

Enfin, l’on a remarqué que les graisses factices réfractent mieux la lumière que le vrai beurre de lait ; l’expert soumet alors le beurre à examiner à une pression mécanique, et en retire un liquide huileux dont il estime aussi exactement que possible le pouvoir réfringent. Malheureusement, la mesure de ce que les physiciens nomment « l’indice de réfraction » exige des appareils coûteux et beaucoup d’habileté pratique.

Venons-en aux méthodes chimiques qui du moins ne réclament de la part de l’opérateur qu’un peu de propreté et d’adresse manuelle. Toutes se fondent sur les principes suivans : le véritable beurre contient forcément une certaine proportion d’acide butyrique sous forme de butyrine, en plus des acides oléique, palmitique, stéarique, lesquels sont associés dans le beurre à l’acide butyrique et figurent seuls dans les graisses animales. Or l’acide butyrique, liquide a la température ordinaire, se mêle très bien à l’eau pure, et peut être distillé sans altération à la température de 160 degrés. Inversement l’acide stéarique, l’acide palmitique, l’acide