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Que représente le beurre, non plus pour un cuisinier, mais pour un chimiste ? Dans une précédente étude relative aux vins[1], nous avons parlé de la glycérine à plusieurs reprises en la définissant : une sorte d’alcool susceptible de se combiner jusqu’à trois fois avec les acides pour donner des « éthers » triples. Eh bien ! depuis les beaux travaux, vieux déjà de cinquante ou soixante ans, qui ont rendu célèbre le nom de Chevreul, on sait que tous les corps gras : huiles ou graisses, quelle que soit leur origine, sont des éthers de la glycérine ; ils résultent de l’union de ce dernier principe avec les divers acides « gras. »

Le plus connu de ces acides est l’acide stéarique, matière première de la fabrication des bougies.

C’est principalement d’une matière végétale appelée « beurre » ou « huile de palme » qu’on retire l’acide palmitique, un peu plus fusible que l’acide stéarique, et dont le rôle n’est pas moins essentiel. Les huiles, liquides à la température ordinaire, doivent leur fluidité à la présence d’un troisième corps, l’acide oléique, lequel fond à 14 degrés. Enfin il convient de ne pas oublier l’acide butyrique, dont la constitution chimique, assez simple en elle-même, est bien connue, et dont l’énergie acide est beaucoup plus puissante : à la différence des trois composés énumérés en premier lieu, l’acide butyrique est franchement liquide, assez volatil et très soluble dans l’eau.

Dérivant de la copulation intime d’un acide avec un alcool, les éthers se préparent en faisant agir les deux élémens l’un sur l’autre. En revanche, l’eau, surtout quand elle est chaude, et les alcalis, voire même les oxydes métalliques, détruisent plus ou moins facilement les éthers ; l’alcool est régénéré, et il se forme dans le premier cas un acide, dans le second cas un sel à base d’alcali ou de métal. Par exemple, l’huile de palme, traitée par l’eau surchauffée, fournit à la fois de la glycérine et de l’acide palmitique ; l’huile d’olive, attaquée par la soude, se dédouble de même en glycérine (dont la valeur commerciale est à peu près nulle) et en savon constitué en majeure partie par de l’oléate de soude. Aussi, pour abréger le langage, on généralise cette circonstance, et l’on dit qu’on « saponifie » un corps gras lorsqu’on le traite par la potasse, la soude, la chaux, l’oxyde de plomb.

Revenons au beurre, dont cette digression, un peu longue, mais nécessaire, nous a écarté. Négligeons l’eau interposée mécaniquement dans les pains de beurre à la suite de l’opération du barattage, eau que le producteur n’est pas intéressé à éliminer trop

  1. Voyez la Revue du 1er janvier.