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c’est-à-dire un mélange très intime, sans être parfait, d’un liquide et d’un corps gras très divisé. Les émulsions artificielles s’emploient beaucoup en pharmacie et en confiserie. Une des plus connues et des plus usitées n’est autre que le lait d’amandes, expression très juste, puisque la similitude de nom correspond parfaitement à la similitude d’aspect de cette préparation avec le véritable lait.

Celui qui visite une laiterie d’une certaine importance dans le nord ou le centre de la France remarquera peut-être, dans un coin de la salle où l’on apporte le lait après la traite, un petit instrument bien simple dont l’usage ne se comprend pourtant pas à première vue. Le « crémomètre, » — tel est son nom, — consiste dans une éprouvette cylindrique divisée en parties égales. Versons le lait à essayer jusqu’au niveau du trait supérieur de la graduation, puis attendons quelques heures, jusqu’à ce que la montée de la crème soit complète[1]. Il sera aisé alors de juger de la richesse du lait par l’appréciation de l’épaisseur de la couche de crème au sommet de l’éprouvette. Nous constaterons avec le seul aide de ce modeste appareil l’existence de divers phénomènes assez intéressans et nous pourrons même les apprécier par des chiffres.

D’abord, les divers laits et les diverses traites d’une vache désignée ne sont pas toujours identiques à eux-mêmes. Un Anglais, M. Bell, après avoir examiné les produits d’un grand nombre d’étables britanniques, chacune d’elles renfermant plusieurs vaches laitières, a noté des nombres assez variables : 6 à 14 parties de crème pour 100 parties de lait ; l’écart, comme l’on voit, dépasse celui du simple au double. Il est juste de dire, cependant, que les indications du crémomètre conduisent à des présomptions plutôt qu’à des données certaines, car, souvent, la faiblesse du chiffre trouvé tient à ce que la montée de la crème s’opère mal ou dure plus longtemps. Il ne faut pas d’ailleurs oublier que le crémomètre ne peut jamais servir à l’examen des laits bouillis.

Le lait le plus crémeux, le plus gras, toutes choses égales d’ailleurs, s’obtiendra en recueillant les dernières parties de la traite du soir d’une vache bonne laitière fournissant, six ou huit mois après le vêlage, une moyenne raisonnable de liquide, la bête étant du reste soumise à de fréquentes traites. Certaines races, comme la race hollandaise, semblent très avantageuses au point de vue

  1. Les parties grasses se rassemblent d’autant mieux à la surface que la température du lait est elle-même plus basse. Dans quelques contrées du nord, on refroidit avec de la glace le lait à écrémer. C’est une excellente pratique : en effet, d’une part, la densité de la partie aqueuse du liquide, du « sérum, » s’accroît sensiblement, et, d’autre part, les globules de beurre, acquérant plus de consistance, éprouvent moins de difficulté à s’élever jusqu’aux tranches supérieures.