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nation : mettre de l’ordre dans les finances, y établir une comptabilité exacte, assurer l’équité dans la répartition des impôts, l’équilibre dans les budgets, et cette probité, cette régularité qui est la règle de la conduite privée, l’introduire dans l’administration. Tels sont les bienfaits auxquels le nom de Simon Stevin est resté attaché et ses Considérations sur les mathématiques (Wisconstige gedachtenissen) ont exercé à cet égard la plus utile influence non-seulement dans son pays, mais dans l’Europe entière.

Ainsi qu’il était naturel de le penser, l’esprit de liberté devait également faire sentir dans le domaine de la science son heureuse action. Affranchi des contraintes qu’il avait subies jusqu’alors, l’esprit humain allait étudier la nature sans idées préconçues, chercher les lois qui la régissent sans autre préoccupation que celle de la vérité. Au fond de ces âmes droites et loyales on sent la légitime confiance que les conquêtes de l’intelligence, loin d’affaiblir la foi religieuse, ne peuvent que la raffermir, et qu’une pénétration plus intime des lois de l’univers ne fera qu’augmenter leur admiration pour son créateur. Vous ne trouverez donc pas chez eux ce libertinage de la pensée que vous rencontrerez ailleurs ; mais ils ne mêleront pas non plus le nom de Dieu, ils n’engageront surtout pas la responsabilité divine dans l’exposé de leurs théories particulières. Il semble, au contraire, que leurs vues soient bien modestes et que dans cet ordre d’idées encore, ils ne s’attachent qu’à des réalités prochaines. Grâce à eux cependant, les méthodes expérimentales entreront dans des voies nouvelles. Ils s’appliquent à isoler les uns des autres les phénomènes emmêlés dans la matière ; à les placer à leur portée, pour les reproduire ou les modifier à leur gré, afin de les étudier de plus près. Cette matière même, ils la soumettent à leurs observations directes afin d’en mieux connaître, s’il se peut, la structure et les transformations. Pour y parvenir, ils ont recours aux procédés les plus ingénieux et ils imaginent ou perfectionnent des instrumens qui accroissent le pouvoir d’investigation de l’homme. Le sens qui trompe le moins, la vue, est grâce à eux fortifié, augmenté ; en tenant compte des lois de l’optique, ils fabriquent des verres qui donneront à la science une base d’opérations à la fois plus vaste et plus sûre. Avec le télescope ils fouilleront le ciel et reculeront les bornes de l’étendue perceptible, ajoutant ainsi aux immensités déjà connues la révélation de myriades d’autres mondes semés dans l’espace. Inversement, le microscope va leur permettre de constater la profusion infinie de la vie dans la nature et la complexité imprévue, la structure merveilleuse d’êtres qui par leur exiguïté échappaient à nos regards. C’est là un précieux auxiliaire mis à la disposition de la médecine qui tendra de plus en plus en Hollande à devenir une science exacte, car elle