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elle-même. On veut faire une majorité, et, en attendant la réalisation du programme tout pratique que le ministère lui a promis, on ne lui offre que des expédiens, des confusions, des obstinations de parti. Il y a décidément encore à faire avant que cette chambre bien intentionnée, on peut le croire, née évidemment d’un mouvement modéré et conciliateur du pays, trouve un gouvernement pour la conduire en conduisant avec profit les affaires de la France.

Ce n’est pas non plus sans peine et sans effort que l’Europe finit par prendre ses quartiers d’hiver, retrouvant par degrés une certaine sécurité, momentanée peut-être, au demeurant suffisante pour la circonstance, en attendant de nouvelles alertes. Maintenant, on peut dire que la Campagne des entrevues et des voyages est close. Il y a longtemps déjà que l’empereur Alexandre III est rentré à Saint-Pétersbourg après ce court passage à Berlin, qui a été l’objet de tant de commentaires. Le comte Kalnoky est revenu de Friedrichsruhe, où il était allé probablement chercher le secret des conversations de Berlin. L’èmpéreur François-Joseph est revenu d’Inspruck, où il était allé saisir au passage le jeune empereur d’Allemagne pour savoir à quoi s’en tenir. Guillaume II lui-même est rentré à Potsdam, après son voyage légendaire aux rives du Bosphore, et ce souverain sans repos n’a plus d’autres distractions que quelques parties de chasse.

Que reste-t-il de tout ce mouvement d’automne, de ces entrevues où les affaires de l’Europe ont dû être agitées et sont censées avoir été réglées souverainement ? Les commentateurs, il est vrai, ne manquent pas. Il y a même d’habiles observateurs qui ont découvert le grand secret et ne l’ont point gardé pour eux, qui ont révélé récemment que tout avait été arrangé à Berlin au plus juste prix, — moyennant la liberté laissée à la Russie en Bulgarie, l’annexion définitive de la Bosnie et de l’Herzégovine à l’Autriche et la cession du Trentin à l’Italie ! C’est ce qui s’appelle traiter lestement les affaires ! Le plus clair est que les choses restent ce qu’elles sont aujourd’hui comme hier, qu’on s’est vraisemblablement entendu pour ne rien faire, que l’Autriche a pu être engagée à ne point accentuer sa politique dans les Balkans, que la Russie ne demandait, pour le moment, rien de plus, et que la paix demeure assurée autant qu’elle peut l’être. Lord Salisbury l’a dit à Londres. Le tsar, dans une fête militaire toute récente, à Saint-Pétersbourg, a tenu le langage le plus pacifique. On est provisoirement, un peu partout, à la paix. Aussi bien les cabinets qu’on met en jeu ont leurs affaires, qui ne sont pas toujours faciles. Le gouvernement de Berlin ne peut arriver à faire voter sa loi contre les socialistes, et il est engagé avec son parlement dans des discussions où, ces jours derniers encore, le comte Herbert de Bismarck s’est fait vertement relever comme un conscrit. L’Autriche a des embarras presque