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faites elle-même ! » Le lendemain, Peupin, le rapporteur de la commission chargée d’examiner les projets relatifs à la nomination d’une commission exécutive, dit dans son rapport : « L’assemblée nationale réunit tous les pouvoirs, l’exécutif aussi bien que le législatif et le constituant. » Le même jour, de vieux parlementaires, qui n’avaient pas l’excuse d’ignorer les conditions normales du gouvernement, demandaient la nomination des ministres par l’assemblée. On homme des plus modérés, futur membre du centre gauche, Charamaule, s’exprimait ainsi : « Si l’assemblée nationale pouvait constituer, gouverner et administrer, l’assemblée nationale devrait constituer, gouverner, administrer ; elle ne peut pas tout faire, elle peut et doit constituer, elle constituera. Elle doit gouverner intérimairement, elle gouvernera. Est-ce que, dans le pays de France, on dénierait la possibilité de gouverner à une assemblée, après les traditions que soixante années de révolution nous ont laissées ? » Odilon Barrot tenait le même langage, et un professeur de droit, Gatien Arnoult, s’écriait : « Qu’est-ce qui règne aujourd’hui ? C’est le peuple. Qu’est-ce qui gouverne ? C’est l’assemblée. Je vote pour que la chambre nomme elle-même et directement ses ministres. »

Il est de toute évidence que ni Odilon Barrot, ni Vivien, ni Dufaure, ni Gustave de Beaumont, ni Charamaule, ne pensaient à conserver la dictature d’une assemblée unique comme gouvernement définitif de la France. Ils voulaient simplement substituer au gouvernement provisoire sorti de la révolution de février un gouvernement provisoire nouveau, intérimaire, émané de l’assemblée et étroitement placé sous sa dépendance. La constitution viendrait ensuite organiser d’une façon régulière les institutions politiques nouvelles.

Le règlement de la constituante de 1848 et les grands comités parlementaires qui en sont la caractéristique, ne sauraient se comprendre si l’on ne tient pas compte des circonstances et de l’état d’esprit que nous venons de signaler. Ce règlement a eu pour but de grandir les pouvoirs de l’assemblée et de mettre le gouvernement sous sa régence immédiate. Cette préoccupation ne fut jamais avouée nettement par les membres de la commission, qui sentaient tout le provisoire et les dangers de leur œuvre et tenaient, en hommes de gouvernement, à réserver l’avenir ; mais elle fut signalée, à diverses reprises, par les adversaires du nouveau règlement ; et, si elle fut reniée, les dénégations eurent toujours peu d’énergie et rencontrèrent peu de créance.

Deux autres préoccupations se firent jour qui avaient un caractère plus pratique et plus exclusivement législatif. Une assemblée