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loi de leurs incommodes voisins et à racheter la surface à prix d’or ; la propriété, malencontreusement démembrée, rassemble ainsi ses tronçons épars : elle cherche à se reconstituer, de bas en haut. Mais ici encore, le législateur de 1810 a comme pris à tâche de perpétuer l’antagonisme. Il décide que, même réunies dans une seule main, la mine et la surface resteront néanmoins distinctes. Bien plus, malgré la concession de la mine au propriétaire de la surface, la redevance n’est pas écartée ; on la fixe pour maintenir en principe et rendre toujours possible en fait, la division des deux propriétés superposées. On voit à quel point Napoléon s’était épris de sa chimère, l’importance qu’il attachait à ce dualisme imaginé par lui pour le malheur commun de la surface et de la mine.


VIII

Les conséquences ne pouvaient manquer de se produire. Les fonctionnaires de l’empire avaient vu avec dépit l’industrie minière échapper à leur tutelle, et ne dissimulaient nullement le dessein de ressaisir, au premier moment, leurs anciennes prérogatives. Au cours de la discussion, un jour que l’on se préoccupait des garanties à donner à la nouvelle propriété souterraine, Cambacérès avait laissé échapper en plein conseil d’État cet aveu : « Qu’arrivera-t-il si le système ne marche pas ? On élaguera par des décisions, des instructions, des avis, toutes les dispositions qui gênent, c’est-à-dire toutes celles qui sont en faveur de la propriété ; ainsi la propriété sera ruinée, précisément pour avoir été trop protégée. » L’impatience des autoritaires n’attendit même pas que l’événement eût justifié les préventions. Dès le 3 août 1810, la circulaire ministérielle, donnée pour l’application de la loi, représentait les mines comme des propriétés publiques, et déclarait qu’en cas d’abandon elles feraient retour à l’État comme biens vacans et sans maître. Trois ans plus tard, le gouvernement demandait au conseil d’État d’organiser une procédure de déchéance. L’inondation des houillères de Rive-de-Gier fournit, en 1838, un prétexte à renouveler la tentative, avec plein succès cette fois. Ce fut la commission de la chambre des pairs qui proposa la mesure et la fit adopter par voie d’amendement au projet ministériel. Du même coup on astreignit les co-propriétaires de mines à se soumettre à une direction unique. De 1847 à 1852, les projets de réformes se succèdent presque sans interruption : c’est d’abord le système de l’adjudication publique que les ministres de Louis-Philippe proposent de substituer aux concessions administratives ; en 1848, le régime de l’exploitation directe par l’état est mis en avant ; en 1852,