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concession, au moment, par conséquent, où les conditions du gisement sont encore un problème.

Et puis, plus ou moins onéreuse, plus ou moins équitablement réglée, cette redevance perpétuelle, ce tribut imposé à la mine, — pour prix, disait-on, de son indépendance, en est la négation même. Par cette condition constitutive, le tréfonds relève du fonds supérieur, et plus durement qu’aucun fief au moyen âge. Supposez la redevance proportionnelle à l’extraction, — toute autre base est, en effet, arbitraire et divinatoire ; — voilà, du coup, le propriétaire du sol investi du droit de surveiller l’exploitation ; il pourra vérifier les livres, au besoin même enjoindre au concessionnaire de pousser ses travaux avec plus d’activité. Et qu’on n’aille pas croire que j’exagère ; le cahier des charges général du bassin houiller de la Loire l’y autorise expressément : autre contradiction des auteurs de la loi, qui rêvaient d’une propriété parfaite et qui ont ressuscité, sans le savoir, la rente foncière ou le bail à champart. N’allons pas pourtant, de dépit, supprimer la redevance, la réduire à une somme insignifiante ; elle est, pour le propriétaire foncier, la compensation obligatoire de tout ce que le dédoublement de sa propriété lui enlève ; comme Napoléon le faisait remarquer, si l’on ne prenait rien au possesseur du sol, il ne lui serait absolument rien dû : dès lorsqu’on le dépouille, il faut l’indemniser loyalement. Mais, en fait, les tendances régaliennes, reprenant presque aussitôt le dessus, ont dérangé l’économie et détruit l’équilibre de la loi. Sauf dans le bassin de la Loire, la redevance imposée au profit de la surface est purement nominale ; ce n’est plus qu’un hommage au principe de la propriété, a une politesse à l’article 552 du code civil. »

Au surplus, et même avec la perspective d’un dédommagement raisonnable, la découverte d’une mine sera toujours envisagée avec effroi par le propriétaire, du moment que cette bonne fortune n’est pas pour lui. Il n’est pas sûr que la redevance couvrira le préjudice matériel dont il se sent menacé ; le sacrifice, d’ailleurs, de ses convenances et de ses habitudes passera souvent, et de beaucoup, la réparation pécuniaire qu’on lui promet. Il fera donc tout au monde pour entraver les recherches sous son domaine. Il a fallu commissionner, en quelque sorte, les explorateurs, et organiser une procédure spéciale pour leur mettre la sonde en main. Après la délivrance des concessions, c’est le même mauvais vouloir ; on paralyse, par constructions nouvelles, le droit d’occupation du concessionnaire ; l’esprit de spéculation trouve le moyen d’exploiter contre lui les salutaires prohibitions légales, sans lesquelles la propriété du sol ne serait qu’un vain mot. Pour mettre un terme à cette situation intolérable, les propriétaires de mines se résignent souvent à subir la