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langage, Mirabeau et les comités voulaient seulement que les mines restassent à la disposition de la nation, pour être concédées par elle ; ils n’entendaient nullement les ranger dans le domaine national[1] ; l’Assemblée n’eut donc pas à s’arrêter un instant à cette idée ; la question ne se posait devant elle qu’entre la réunion de la mine à la surface et le système des concessions, renouvelé de la monarchie. Mais, tiraillée en sens contraires, et ne sachant à quoi se résoudre, elle arriva à une combinaison faite de compromis et de moyens termes, la pire de toutes. Pour rendre hommage à la mémoire de Mirabeau, mort entre la discussion et le vote, on mit les mines à la disposition de la nation ; par respect pour la propriété, on mit la nation à la discrétion du propriétaire de la surface. La loi du 12 juillet 1791 déclara solennellement que les substances minérales ne pourraient être exploitées que du consentement et sous la surveillance de la nation ; elle interdit les concessions de plus de cinquante ans et ramena à ce terme les concessions antérieures : elle défendit aux particuliers de se livrer à l’extraction sans une concession régulière, mais elle se hâta d’ajouter que cette concession ne pourrait leur être refusée s’ils la demandaient. Ainsi, à l’État, le pouvoir de concéder, moins la liberté du choix ; au maître du fonds, le droit d’exploiter, moins la faculté d’exploitation, — sauf dans une zone de cent pieds de profondeur, où par une contradiction singulière les touilles pouvaient être pratiquées librement par le propriétaire, tant à ciel ouvert qu’ « avec fosses et lumières, » sans aucune des précautions de police que commande la protection du travail souterrain.

On aurait voulu pousser à la ruine de l’industrie minérale qu’on n’aurait pas autrement procédé. L’allure irrégulière du gîte le fait toucher, dans un court espace, à un grand nombre de propriétés différentes ; tantôt il s’enfonce profondément, tantôt il vient affleurer la surface. En le traitant comme une dépendance du sol, on le morcelle : c’est là le seul sérieux inconvénient du système de l’accession. Au lieu d’y remédier, — et la chose était, jusqu’à un certain point, possible, — l’Assemblée s’était comme ingéniée à aggraver le mal. Non-seulement le même gîte

  1. « Ce serait une absurdité de dire que les mines sont à la disposition de la nation dans ce sens qu’elle put ou les vendre, ou les faire administrer pour son compte, ou les régir à l’instar des biens domaniaux, ou les concéder arbitrairement. Personne n’a proposé cela… La nation a droit u l’exploitation des mines ; si elles ne sont pas exploitées, la nation doit en provoquer l’exploitation. » (Mirabeau, 2e discours sur les mines, 27 mars 1791.)