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contraire des simulacres, sont des images formées par les imaginations déréglées des hommes, images dont les semblables ne se trouvent pas dans la nature, comme une statue ayant quatre têtes, une de cheval, une de bœuf, etc. Eh bien, ces adorateurs d’idoles ne raisonnent pas moins bien que les adorateurs de simulacres. Ce n’est pas qu’ils croient qu’il y a en réalité de telles monstrueuses divinités ; mais c’est qu’ayant fait effort pour se représenter les qualités divines, ils ont été obligés d’emprunter les figures qui pouvaient le mieux atteindre leur but, le bœuf, l’éléphant, le serpent, etc. Ce sont des symboles concrets de l’invisible, des signes des choses spirituelles pour les yeux de la chair. Nos modernes docteurs en symbolisme ont-ils dit mieux et plus que cela ?

Ce sont de fausses religions. Oh ! oui, sans doute, bien fausses ; si par hasard, cependant, elles avaient la vertu d’opérer les mêmes miracles que la seule vraie, ou des miracles analogues ? Eh bien, cette vertu, elles la possèdent, plus probablement, il est vrai, par la puissance du diable que par celle de Dieu, quoiqu’il fallût encore se garder d’être souvent trop affirmatif à l’égard de l’une ou de l’autre influence ; mais, quelle que soit celle de ces deux influences que l’on choisisse, ce qui est certain, c’est qu’une action surnaturelle est là, infernale ou divine, et que par conséquent il est compréhensible que ces idolâtries révèlent une part de vérité et produisent quelques-uns des effets de la vraie religion. De même que les musulmans mettent entre leur foi et leur loi religieuse un accord que les chrétiens n’y mettent pas, ces idolâtres portent à leurs dieux un dévoûment qui est inconnu aux adeptes de la vraie foi. Nos martyrs que nous adorons par-dessus tous nos autres saints ne l’ont jamais été volontairement ; mais à ces païens toute occasion est bonne pour s’infliger un martyre volontaire, un pèlerinage, une procession, la dédicace d’un temple, car toutes ces cérémonies et coutumes se rencontrent dans leurs cultes. Il y a dans le Malabar une certaine idole qui est l’objet d’un pèlerinage perpétuel, absolument comme les chrétiens vont à Saint-Jacques de Compostelle et autres sanctuaires vénérés. Les uns y vont en s’imposant de tenir les yeux toujours baissés contre terre, les autres en s’agenouillant de trois pas en trois pas, quelle que soit la longueur de leur voyage ; d’autres en se portant dur les membres de violens coups de poignard. Après les pèlerinages, les processions. A certains grands jours on sort l’idole richement vêtue et on la promène sur un char précédé de toutes les vierges du pays et suivi du cortège des pèlerins, et nombre d’entre eux se jettent sous les roues du char qui les broie et les mutile ; enfin, lorsque l’idole est rentrée en place, son retour est salué par une foule de morts volontaires. « Ils pensent que plus de peines et de tribulations ils souffrent pour l’amour de leur