Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 96.djvu/559

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bonnes, que ses paroles, que ses actes, sa doctrine, contenus dans les Évangiles sont véridiques, et que ses miracles aussi sont véridiques, que la Sainte-Vierge Marie fut vierge avant et après la naissance de Jésus, et que tous ceux qui croient parfaitement en Dieu seront sauvés… Si on leur demande quelle est leur croyance, ils répondent : Nous croyons en Dieu créateur du ciel et de la terre, et de toutes les autres choses qu’il a faites, et sans lui rien n’a été fait. Nous croyons au jour du jugement, et que chacun sera récompensé selon ses mérites. Nous tenons pour vrai tout ce que Dieu a dit par la bouche de ses prophètes… Et lorsqu’on leur parle du Père, du fils et du Saint-Esprit, ils disent que ce sont trois personnes, mais non un Dieu, car leur Alcoran ne parle pas de la Trinité. Mais ils disent que Dieu parle, et qu’ils savent bien qu’il est esprit, car sans cela il ne serait pas vivant… Et ils disent que quiconque ne connaît pas la parole de Dieu ne connaîtra pas Dieu… Ils ont donc nombre d’articles importans de notre foi, quoiqu’ils n’aient pas en perfection la loi et la foi comme nous chrétiens l’avons, et c’est pourquoi ils sont aisément convertis, spécialement ceux qui comprennent les Écritures et les prophéties. » Songez que l’homme qui parle ainsi a fait le voyage de terre-sainte avec le regret que Jérusalem soit aux mains des infidèles, et dites s’il est possible de juger ses adversaires avec plus de tolérance, d’équité et de loyale intelligence.

Maundeville ne se contente pas de rendre justice aux musulmans, il a pour eux de l’estime et presque de la tendresse. Il les aime pour le respect pieux avec lequel ces ennemis de notre loi religieuse en honorent les souvenirs et en protègent les monumens, respect qui est vraiment à honte à plus d’un chrétien. « Les Sarrasins montrent beaucoup de respect pour le temple, et disent que le lieu est vraiment saint. Et lorsqu’ils y entrent, ce n’est que pieds nus, et ils s’agenouillent une infinité de fois. Et lorsque mes compagnons et moi nous vîmes cela, nous enlevâmes nos souliers et nous entrâmes pieds nus, jugeant que nous ne pouvions montrer moins de respect et de piété, et avec une moindre componction de cœur que n’en montrait un quelconque de ces mécréans. » Le saint sépulcre n’existerait plus, grâce au zèle trop irrévérencieux dans son emportement des pèlerins chrétiens, si le sultan n’y avait mis bon ordre. « Il n’y a pas encore bien longtemps que le sépulcre était tout grand ouvert, en sorte que tous pouvaient le voir et le toucher. Mais comme les pèlerins qui le visitaient l’endommageaient à l’envi pour en emporter des petits fragmens ou de la poudre, le sultan a fait élever un mur tout autour afin que personne ne puisse le toucher. » Mais il admire encore davantage les musulmans pour la conformité qu’ils établissent entre leur vie et leur loi religieuse,