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l’économie politique, sa demi-sœur, est la science de la richesse sociale. Jusqu’à ce jour n’avait-on pas sacrifié constamment la première à la seconde, fait consister le progrès dans l’accroissement du chiffre total de la fortune publique et non dans l’amélioration du sort des individus ? La prospérité de l’Angleterre augmentait chaque jour, et chaque jour augmentait, dans un même rapport, la détresse des classes qui sont les ouvrières de cette prospérité. Était-ce logique ? Était-ce juste ? Cela pouvait-il dorer ? »

Ainsi Birmingham se posait comme l’antagoniste de Manchester ; la démocratie humanitaire s’affirmait à l’encontre de l’utilitarisme bourgeois.

Tout d’abord il fallait faire entrer dans la cité ces millions de laborieux parias, leur donner une place et une voix dans l’État : « Une minorité de la population, disait M. Chamberlain, possède le droit de suffrage ; grâce à la répartition vicieuse des circonscriptions électorales, une minorité parmi la minorité, — un cinquième environ, — crée la majorité de la chambre des communes. Et quand cette minorité dans la minorité a réussi à faire passer une mesure utile dans les communes, vient une minorité imperceptible, infinitésimale, que personne n’a élue, qui ne représente personne et qu’on appelle la chambre des lords. Elle met son veto, et la mesure proposée et votée tombe dans le néant. » Voilà la meilleure définition que je connaisse de l’oligarchie anglaise, telle qu’elle existait encore il y a quatre ans : c’est le gouvernement des minorités ; La voilà, en quelques traits énergiques, cette constitution tant vantée vers laquelle, pendant un siècle et demi, de Voltaire à Tocqueville et à Montalembert, nous avons poussé des soupirs de convoitise !

Mais déjà les deux partis s’étaient presque mis d’accord pour opérer la grande et double réforme : l’extension du droit électoral, presque équivalente à l’établissement du suffrage universel et le remaniement des circonscriptions d’après le chiffre de la population. Restait à réformer le parlement lui-même. Il ne suffisait pas de définir et de fortifier l’autorité du président, d’introduire l’ordre dans les débats et d’en simplifier la forme, de mettre le parlement à l’abri d’une poignée d’obstructionnistes qui troublaient ses délibérations. Il fallait, par une décentralisation vigoureuse, saigner le parlement qui mourait de pléthore, transporter la besogne dont il était encombré, écrasé, à des conseils locaux, qui réuniraient dans leurs mains les attributions maladroitement disséminées, par une série de créations inintelligentes, entre une foule de petites assemblées électives, sans solidarité, sans prestige et sans avenir. Il fallait ouvrir plus largement les portes de Westminster à toutes les classes