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appropriée : les corps de Bernadotte et de Lefebvre ont chacun cinq régimens ; ceux d’Oudinot et de Masséna, la moitié d’un seulement[1]. D’ailleurs, cette distribution était encore provisoire ; elle variait avec les circonstances de guerre. Plusieurs fois, dans une même campagne, l’empereur puisait dans la réserve pour augmenter les ressources en cavalerie de tel ou tel corps ; inversement, il prenait, dans les corps, des régimens pour grossir la réserve[2].

Dans le commandement, dans l’emploi comme dans l’organisation, le même esprit pratique domine. Napoléon voulait toujours, à la tête de la cavalerie, des chefs jeunes encore, ayant gardé intacte cette impulsion ascensionnelle que donnent l’ambition et le goût de la gloire réunis. Les plaçant toujours dans les meilleures conditions pour vaincre, il leur inculquait ainsi cette confiance en la puissance de leur arme, cette résolution et cette audace qu’eux-mêmes ensuite communiquaient à leurs troupes. C’était toute cette pléiade de brillans généraux dont les noms éclatent comme une fanfare prestigieuse dans les annales de notre cavalerie.

Dans l’emploi, le principe de la concentration régnait, imposant l’action en masse et la tactique de décision. À cette idée maîtresse, Napoléon subordonne tout : le cantonnement et l’alimentation, la conservation des hommes et des chevaux. Le but tactique seul domine. Il veut obtenir de sa cavalerie des effets généralisés et décisifs, et, par ce procédé, il les obtient. En fin de compte, il se trouve que tout le monde y puisait gloire et profit.

Sans doute on ne peut espérer de faire revivre, en temps de paix, les institutions du temps de guerre, ni surtout d’en retirer un égal bénéfice. L’état de campagne implique un mouvement, une sélection, qui s’opèrent d’eux-mêmes, sollicités par le développement naturel des opérations. Mais au moins doit-on s’efforcer de se rapprocher du but.

Par ses traditions, — les plus belles qu’une nation militaire puisse revendiquer, — par son tempérament, par la passion de la gloire, par le goût des aventures et le mépris du danger, le Français est né cavalier. Que manque-t-il à nos escadrons pour être à la hauteur des exigences multiples et agrandies de la guerre moderne ? — Simplement ceci : une organisation et une instruction correspondant à leur emploi.

Dans les 74 régimens répartis sur le territoire, 36 seulement jouissent de ce privilège, cependant inaliénable, d’être constitués et préparés au point de vue de leur rôle en campagne. Les 38 autres stationnent dans une situation ambiguë, dans des pratiques surannées

  1. Situations de la grande armée au 1er juillet.
  2. . Situations de la grande armée au 1er et au 15 février 1807.