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pourraient dès lors échanger leurs observations et leurs idées, mettre en commun leur expérience et rédiger, pour la conduite des opérations de guerre, un corps de doctrine qui, aujourd’hui, nous fait encore défaut.

Ainsi conçues et appliquées, les manœuvres d’automne présenteraient le triple avantage d’exercer les troupes dans les conditions les plus rapprochées de celles de la guerre, c’est-à-dire, par une série de manœuvres à double action, de réaliser l’éducation tactique des corps d’armée et de former les futurs chefs d’armée à l’école de commandement.

Les manœuvres du 6e corps, exécutées cette année, ont d’ailleurs été une première et éclatante manifestation de l’idée nouvelle de la tactique des masses. Sans doute un tel système ne saurait être généralisé, car les dépenses dépasseraient les prévisions budgétaires. Mais il suffirait de l’appliquer, chaque année, à deux corps d’armée limitrophes. En même temps, si l’orientation était définitivement changée, si les manœuvres actuelles de divisions et de brigades, réduites à leur juste valeur, étaient transformées en évolutions destinées à préparer ces unités secondaires à leur rôle intérieur dans le corps d’armée, il serait possible d’y réaliser quelques sérieuses économies. En somme, en ajustant le cadre des manœuvres aux proportions nouvelles de la guerre, en n’attribuant à chaque unité que la part d’indépendance et le rayon d’action qui lui reviennent, il y aurait méthode là où il y a fantaisie, coordination où il y a diffusion, progrès où il y a stagnation. L’économie serait générale et le bénéfice immédiat : on ne perdrait ni temps ni argent à répéter une pièce qu’on ne jouera jamais ; au lieu de tourner en un cercle, sans but, on suivrait la ligne droite.


Dans ce cadre général, quelle place sera réservée à la cavalerie, quelle part d’action lui sera attribuée ? Le principe de la tactique de masses rejette comme une conception trop étroite et comme une pratique démodée le rattachement accoutumé, dans les manœuvres, d’une brigade de cavalerie au corps d’armée, d’un régiment à une division, de deux escadrons à une brigade. Ce sont là les formes usées d’un ordre de choses terminé. Il faudrait remonter aux premières guerres de la révolution pour retrouver l’exemple d’un pareil morcellement. Alors le système divisionnaire était en vigueur. Les régimens de cavalerie, répartis par détachemens dans toute l’armée, participant à la gloire ou à l’effacement des divisions auxquelles ils étaient attachés, étaient bien capables d’enrichir leurs annales de hauts faits individuels, mais ils étaient impuissans à produire un résultat généralisé et décisif. Le génie de Napoléon