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profusion, dans le nord-ouest, des animaux très peu propres au service de la selle. Les considérations patriotiques, les efforts des commissions ou des ministres sont impuissans quand ils se heurtent à cette manifestation souveraine du parlementarisme.

Pourtant on a peine à concevoir qu’une partie de cette généreuse race du Midi reste sans emploi, — quand elle n’est pas enlevée par les courtiers de l’Italie, — alors que nombre de nos régimens de chasseurs ou de hussards sont encore encombrés de ce produit hybride, mal équilibré, lymphatique, qu’en termes d’élevage on appelle « le petit normand. » Si on n’achetait des chevaux de cette catégorie qu’après avoir épuisé ceux de la première, du même coup on développerait l’extension des élémens de choix, et on déciderait à faire le cheval de selle certains éleveurs qui semblent réserver pour l’arme leurs sujets défectueux. Dans le même ordre d’idées, il serait à souhaiter qu’un accord plus étroit s’établit entre les remontes et l’administration des haras. Ce dernier service devrait encourager avant tout la production des élémens que lui demande la remonte, et ne pas réduire cette dernière à l’obligation d’accepter, sans réserve, les animaux qu’il a achetés ou primés.

C’est en travaillant pendant de longues années à diriger la production vers les besoins de l’armée que l’Allemagne a pu arriver à créer de toutes pièces une véritable race de chevaux d’armes, et à remonter d’une manière remarquable sa nombreuse cavalerie. Pour l’imiter, il suffirait de s’affranchir du joug électoral dans une question qui n’en relève pas. Et si, à la tribune législative, quelques récriminations intéressées venaient à se produire, la chambre aurait beau jeu à leur imposer silence, en faisant simplement observer que, si l’on veut poursuivre l’idéal de la « nation en armes, » c’est bien le moins qu’on en subisse les plus élémentaires conséquences. Le jour où un fait brutal viendrait à démontrer la fragilité d’une organisation d’armée dans laquelle les motifs d’ordre militaire sont relégués au second rang, ceux-là mêmes qui y poussent le plus ne trouveraient pas de reproches assez lourds pour accabler les éditeurs responsables.


Après le commandement et la remonte, un troisième facteur, indépendant de l’éducation, complète l’outillage de la cavalerie. C’est son armement. Un cavalier qui a confiance en son chef, en son cheval, en son arme, est virtuellement prêt.

L’armement et la tactique sont intimement liés ; en termes scientifiques, ils sont « fonctions » l’un de l’autre. Aussi, le débat que soulève aujourd’hui l’apparition de la lance n’est ni indifférent, ni superficiel. Il touche aux principes mêmes de l’emploi de la cavalerie. Il ne se borne pas à une discussion spéciale ; il doit aller, de la